Interprétation, mésinformation, désinformation vinicoles

Il n’y a pas de vérité en matière de vin ; j’aime penser que votre interprétation vaut la mienne. Ensuite, simple question d’expertise où je me permets de mettre les points sur les « i » pour ce qui, en fin de compte, sera toujours ma propre interprétation.
D’ailleurs, et nous en avons déjà causé à quelques reprises dans ces billets, où commence ma propre liberté en matière d’interprétation et où se termine la vôtre ? Après tout, le vin que vous aimez ne sera peut-être pas ma tasse de thé, l’inverse étant aussi vrai. Rien n’est moins fuyant qu’un art qui se veut éphémère.
Si l’interprétation demeure toujours quelque peu aléatoire, la perception sur le type de produit souffre-t-elle pour sa part de toute la plausibilité voulue ? Une lectrice s’amusait récemment du fait que le vin rosé ne se buvait pas à longueur d’année, comme j’en faisais mention tout dernièrement avec le Mouvement de libération du rosé saisonnier (MLRS). Pour elle, le rosé, c’est l’été, point barre. Je respecte bien sûr sa perception de la chose, mais comment en est-elle arrivée à être conditionnée de la sorte et, surtout, à avoir une position aussi tranchée ?
Cette fois, une « mésinformation » voudrait que la troisième semaine de novembre, avec l’avènement du beaujolais nouveau, serve de couronnement au gamay primeur, alors que des décennies de tactiques bassement mercantiles l’ont dépouillé de ce qu’il lui restait de crédibilité. Une dérive qualitative malheureuse du produit, qui n’est pas près d’être réhabilité dans l’esprit du public. Quel gâchis ! À titre de Compagnon du Beaujolais, j’ai ici mal à mon gamay. Mais la filière, heureusement, a quelque espoir de briller de nouveau en raison d’une nouvelle génération de vignerons et de consommateurs éclairés qui la soutient. Le mal est fait, cependant.
Il existe aussi un système de mésinformation poussé à la limite de la désinformation, surtout lorsque de gros intérêts commerciaux sont en jeu, comme l’avènement d’un nouveau millésime sur la place de Bordeaux, par exemple. Un système promu par une presse spécialisée (influenceurs compris) parfois condescendante et qui relaie un portrait trop souvent jovialiste de la qualité du millésime en question. Il faudrait se méfier d’un millésime qualifié d’un « millésime de vigneron », euphémisme s’il en est un qui désigne une année moyenne, voire ingrate. Même mésinformation, mais à une autre échelle toutefois, que ces contre-étiquettes parfaitement interchangeables apposées sur les bouteilles de vin (et souvent mal traduites !), toutes créatrices, au palais du buveur, d’une explosion de cette macédoine de petits fruits rouges à ne plus savoir quoi en faire. La nuance — à l’instar de cet infantilisant « copier-coller » — serait ici la bienvenue.
Et puis il y a ces homologations en vin nature et agrobiologique, mais surtout, surtout, cette certification Haute valeur environnementale (HVE), dont l’association Alerte aux toxiques notait déjà la dérive sémantique, voire l’intégrité, en septembre 2020, en dénonçant la présence de pesticides dans des bouteilles certifiées HVE. On y apprend — et je cite la revue Le Rouge & le Blanc, qui en avait fait un éditorial — « qu’aucune interdiction d’utilisation de produits phytosanitaires y compris les molécules CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) n’a été incluse dans les conditions d’homologation ».
Ce « blanchiment vert » à la mode pour les vins rouges, blancs et rosés permet aussi à une industrie vitivinicole d’être au goût du jour tout en se donnant bonne conscience. Bref, il ne faut pas toujours croire tout ce qu’on lit !
À grappiller pendant qu’il en reste !
Boom Kriek Lambic 2019, bière rouge de type spontanée, Belgique (6,50 $ les 375 ml – 13747306). Il faudra déjà en faire provision pour le temps des Fêtes (hé oui, c’est presque déjà demain !), car cette spontanée acidulée avec brio sous le charme sauvage de la cerise est désaltérante et digeste à souhait. Sèche et légèrement mordante sous ses amers fruités, elle donne plaisir à boire, sans la moindre fatigue à la clé. Tiendra-t-elle le coup accompagnée d’aiguillettes de canard déglacées sauce cerise ou sur une dinde nappée de ses atocas ? On essaie et on s’en reparle ! Quelque chose comme une grande bière. (5) ★★★★
Le Secret de Mathilde 2018, Château de Gourgazaud, Minervois, Languedoc-Roussillon, France (18,85 $ – 14758824). Ce domaine nous habitue depuis bien plus qu’une décennie à des vins dont le charnu de bouche est toujours manifeste, une bouche surfant sur des tanins sphériques avec presque un glissement dans la délicatesse. Mais attention ! Ne pas sous-estimer ici l’aspect chaleureux, presque puissant de l’ensemble. La finale, cependant, demeure moyenne mais digeste. (5) © ★★ 1/2
La Bergerie des Abeilles 2020, Domaine de la Rectorie, Collioure, Roussillon, France (21,80 $ – 14433237). Des grenaches gris (80 %) et blanc (20 %) tissent la toile de fond de ce blanc sec aussi subtil que délicat autour d’une fraîcheur « minérale » fine qui maintient longuement le palais en état d’apesanteur. Pomme, miel, gingembre et poire confite étoffent une bouche svelte mais vineuse, tendre et pourtant dotée de caractère. Thierry et Jean-Emmanuel Parcé nous convient ici à la célébration d’un terroir et de cépages dont ils savent les immenses possibilités, sans forcer la note. Brillant. (5) © ★★★ 1/2
Barbera d’Alba 2019, Borgogno, Piémont, Italie (24,15 $ – 13737626). Cette barbera possède le mordant typique du cépage, ainsi que cette envolée florale et fruitée de cerises des plus croquantes au palais. Une vinification traditionnelle qui évite les modes, appuyant cette part de rusticité paysanne du cépage pour mieux en souligner l’authenticité. La toute simple pizza margherita l’accompagnera avec une émotion non dissimulée ! (5) ★★ 1/2
Pouilly-Fuissé « Clos Reyssié » 2018, Dominique Cornin, Bourgogne, France (49 $ – 14141533). De belles argiles en sous-sol, qui en font un terroir historique dans la commune de Chaintré, et un élevage princier tracent ici le profil de ce chardonnay riche et opulent, au fruité de gelée de coing et de pêche, mais surtout d’une texture pleine et entière qui étire longuement la finale. Je ne connaissais pas ce domaine, mais je demeure sur le qui-vive pour les prochains arrivages. Côté prix, la limite est cependant atteinte. (5+) © ★★★ 1/2
Jean Aubry(5+) se conserve plus de cinq ans
(10+) se conserve dix ans ou plus
© devrait séjourner en carafe
★ appréciation en cinq étoiles