Un nouvel Insectarium de Montréal émerge de son cocon

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le nouveau musée vise à changer l’attitude des visiteurs à l’égard des insectes.

C’est une véritable métamorphose qu’a subie l’Insectarium de Montréal, et ce, autant dans son architecture que dans l’approche adoptée, qui vise avant tout à faire vivre aux visiteurs des expériences sensorielles et émotives pour induire l’émerveillement, le respect et le désir de valoriser ces petites bêtes qui jouent un rôle majeur dans la biosphère.

Les visiteurs pourront découvrir ce nouveau musée hors du commun à compter du 13 avril prochain.

C’est en 2009 qu’a germé l’idée de cette métamorphose, raconte le directeur actuel de l’Insectarium, Maxim Larrivée. Après avoir obtenu toutes les approbations, sous l’impulsion de la directrice Anne Charpentier, l’équipe du musée commence dès le printemps 2012 à définir « l’essence et le fondement » de sa nouvelle mouture avec le Living Lab. Pour le processus de conception, on adopte une approche assez nouvelle à l’époque : le co-design (ou design collaboratif), qui intègre la participation d’une vingtaine de créateurs et architectes de partout dans le monde, mais aussi des employés de l’établissement et de simples citoyens.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Les visiteurs pourront découvrir le nouveau musée à compter du 13 avril prochain.

De ce travail émerge alors l’esquisse d’un nouveau musée qui transformerait l’attitude du visiteur à l’égard des insectes, explique M. Larrivée. L’équipe s’entend aussi pour que « ce recadrage de la perception du visiteur se fasse non pas par une simple présentation d’informations didactiques sur les insectes, mais par des stimuli sensoriels et émotifs axés sur la biophilie », cette gamme d’émotions suscitées par la beauté, les couleurs et les formes de la nature qui induisent une sensation de bien-être, explique-t-il.

Pour réaliser le projet, Espace pour la vie, dont fait partie l’Insectarium de Montréal, lance en février 2014 un concours d’architecture international. Un jury regroupant des personnalités du monde de l’architecture, du design, du développement durable et de la biophilie (dont Stephen Kellert, grand pionnier du design biophilique) sélectionne finalement l’équipe berlinoise de Kuehn Malvezzi et les firmes montréalaises Pelletier de Fontenay et Jodoin Lamarre Pratte architectes.

Les insectes avant tout

 

« Contrairement à ce qu’on fait habituellement, qui consiste à construire un beau bâtiment dans lequel on insère des expositions, cette fois, on est parti des insectes eux-mêmes, nous avons conçu l’architecture autour des insectes et des expositions », a souligné l’architecte allemand Wilfried Kuehn, présent à la conférence de presse de mardi.

En effet, l’architecture se fait rapidement oublier au profit de ces créatures aux formes, aux couleurs et aux aptitudes variées et fabuleuses, car les visiteurs sont davantage absorbés par leur rencontre multisensorielle avec ces petites bêtes, qui occupent une grande place dans notre environnement.

Inspiré de divers habitats, le geste architectural se fait davantage remarquer à l’intérieur. Dès son arrivée, le visiteur emprunte un long couloir sinueux, plongé dans le noir, qui mène à une grotte souterraine. Une descente « conçue pour déstabiliser le visiteur et pour qu’il évacue les pensées qui l’habitaient jusque-là, afin qu’il entre véritablement dans le monde des insectes », souligne M. Larrivée.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir C’est en 2009 qu’a germé l’idée de cette métamorphose, raconte le directeur actuel de l’Insectarium, Maxim Larrivée.

La grotte comporte six alcôves qui se veulent à l’image des chambres d’un nid d’insectes sociaux et qui visent à propulser le visiteur à « l’échelle spatio-sensorielle des insectes ». Chacune de ces alcôves permet au visiteur de sentir le monde à leur manière. Dans la première chambre, un écran nous montre que la vision des insectes n’est pas aussi précise que la nôtre, mais qu’elle capte très bien les mouvements. Dans une deuxième, on se faufile entre des brindilles d’herbe comme le feraient ceux qui se repèrent dans cette forêt miniature à l’aide de leurs pattes et de leurs antennes. Dans une autre encore, les vibrations du sol nous rappellent que ces mouvements servent de mode de communication pour plusieurs espèces. Dans une autre, on marche sur un sol couvert de fleurs dont le pollen réfléchit des ultraviolets qui attirent les pollinisateurs.

Après avoir fait ce parcours, le visiteur est convié à un tête-à-tête avec des insectes vivants — des sauterelles à hublots de Malaisie, des mantes orchidées d’Asie, des phasmes à tiare d’Australie — qui se trouvent dans des vivariums qui l'englobent.

Après ces rencontres intimes, on pénètre dans le dôme, une grande salle au plafond cathédrale dont les murs sont couverts de 72 vitrines exposant 2500 spécimens naturalisés appartenant à plus de 1500 espèces. La rangée du haut éblouit par la diversité des couleurs et des formes d’insectes qu’elle met en scène. La rangée du bas présente quant à elle 36 adaptations biologiques, comme le mimétisme et le camouflage, qui expliquent comment les insectes ont réussi à devenir les organismes les plus diversifiés du monde vivant.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir 72 vitrines exposent 2500 spécimens naturalisés.

« Dans ce lieu de recueillement, la disposition des spécimens vise à susciter des émotions biophiliques, induites par la beauté, les couleurs, les formes et la diversité des insectes », indique M. Larrivée.

Papillons, phasmes et phylies

 

On pénètre ensuite dans le Grand Vivarium, qui, comme le Jardin botanique lors de l’événement Papillons en liberté, héberge des lépidoptères qui voltigent là où bon leur semble. Mais d’autres insectes — deux espèces de petits scarabées, des phasmes, des phylies, des mantes fantômes et une colonie de fourmis coupe-feuille Atta — vivent aussi en liberté à leurs côtés. « On comptait 75 espèces de papillons tropicaux pendant la saison de Papillons en liberté. Comme le vivarium sera ouvert toute l’année, on devrait maintenant atteindre plus de 150 espèces durant un cycle annuel. L’assemblage de papillons va évoluer au cours de l’année. De plus, nous disposons maintenant de deux chambres à conditions contrôlées qui favorisent l’émergence d’espèces plus fragiles », précise Michel St-Germain, responsable des collections de l’Insectarium de Montréal.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Dans le Grand Vivarium, des papillons et d’autres insectes vivent en liberté.

Les parois de ce vivarium sont transparentes et laissent voir toutes les activités qui contribuent à maintenir la vie des insectes. On peut notamment observer les quartiers d’élevage et d’émergence des papillons ainsi que les serres de production des plantes qui peuplent cet écosystème.

En quittant le bâtiment, le public traversera un jardin conçu pour attirer nos insectes pollinisateurs indigènes. « Métamorphosé par l’expérience qu’il aura vécue, le visiteur verra d’un autre œil cet espace conçu pour protéger la biodiversité. » C’est ce qu’espère M. Larrivée.


Ce texte a été mis à jour après publication pour ajouter diverses précisions.

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