Un faux moteur pour faire avancer la voiture électrique

Pragasen Pillay, dans son laboratoire de l’Université Concordia
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Pragasen Pillay, dans son laboratoire de l’Université Concordia

Pendant que le nombre de véhicules électriques sur les routes du Québec augmente tranquillement, les recherches réalisées dans la province pour favoriser leur développement avancent à grande vitesse. Entre les murs de l’Université Concordia, une équipe de chercheurs menée par le professeur Pragasen Pillay met à l’épreuve un faux moteur électrique qui pourrait avoir un impact bien réel sur la conception des futurs véhicules électriques.

Dans un laboratoire du troisième sous-sol de Concordia, des fils jaune, rouge, bleu et noir s’entremêlent à gauche et à droite, sur des étagères remplies d’ordinateur et de cartes électroniques. À première vue, impossible de comprendre à quoi sert ce labyrinthe multicolore, et encore moins de deviner que tout ceci pourrait contribuer à créer la voiture électrique de demain.

« Dans le développement des systèmes de conduite électrique, il faut un moteur et un contrôleur pour actionner le moteur, explique le professeur Pillay. Le problème, c’est que la fabrication du moteur est très longue, alors que celle du contrôleur est beaucoup plus rapide. Il faut donc attendre longtemps avant de pouvoir effectuer des tests avec le contrôleur. »

Jouer le rôle du moteur

 

La solution ? Créer ce qu’on appelle un « émulateur », c’est-à-dire un logiciel qui permet de simuler le fonctionnement d’une composante, dans ce cas-ci un moteur électrique.

« Nous développons un dispositif qui ressemble à un moteur électrique pour être en mesure de tester les autres composantes pendant que le moteur réel est en train d’être développé, résume le professeur. Quand on reçoit le moteur, on peut l’insérer dans le système. Si les tests ont été bien faits, le système va fonctionner sans problème tout de suite ou ne nécessitera que des changements mineurs. »

« C’est très nouveau, explique le titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG/Hydro-Québec en efficacité énergétique. Peu de gens ont développé des émulateurs, et nous sommes parmi les premiers au monde à développer un émulateur destiné à un type de machine en particulier. […] À certains égards, nous sommes parmi les meneurs à travers la planète. »

Le grand avantage du système mis au point par M. Pillay est le fait que l’émulateur est programmé à l’aide d’un modèle mathématique. Il réagit comme le ferait un véritable moteur électrique, tout en offrant une grande flexibilité en cas de problème.

« Nous pouvons modifier le faux moteur d’une manière qui est impossible avec un véritable moteur. Je peux modifier ses paramètres pour faire les changements nécessaires très rapidement », souligne le chercheur.

Concrètement, l’utilisation de ce faux moteur permet de déterminer si toutes les composantes du système de conduite fonctionnent comme prévu, mais aussi de simuler son utilisation quotidienne selon l’usage qu’on compte en faire.

C’est ce que Pragasen Pillay appelle le « cycle de conduite » du véhicule. « Si nous analysions un autobus qui doit circuler à Montréal, nous voudrions savoir combien de fois il doit arrêter et démarrer et combien de côtes il doit monter, dit-il. On pourrait estimer quelle puissance est nécessaire pour monter Côte-des-Neiges, par exemple. »

Voiture québécoise ?

Le système développé par le professeur Pillay pourrait rendre de fiers services à l’industrie mondiale du véhicule électrique, mais ne comptez pas sur lui pour vendre quoi que ce soit. Il espère cependant que l’entreprise Opal-RT — avec laquelle il collabore dans le cadre du projet de recherche — parviendra à commercialiser le système, et qu’Hydro-Québec, qui finance sa chaire de recherche, pourra en bénéficier.

À son avis, il ne s’agit que d’une question de temps avant qu’une voiture électrique 100 % québécoise voie le jour, après les autobus électriques de Lion et de Nova Bus et les moteurs électriques développés par TM4, une filiale d’Hydro-Québec.

« Nous avons besoin d’entrepreneurs pour utiliser les technologies et les commercialiser. Nous générons les idées, les concepts, nous formons du personnel, mais nous avons besoin de gens pour utiliser ces ressources, dit-il. Toutes les recherches que nous faisons offrent de nouvelles possibilités d’avancement afin d’accroître l’utilisation des véhicules électriques. »

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