Le Paxlovid risque de peu bénéficier aux non-vaccinés

Disponible depuis lundi au Québec, le Paxlovid, surnommé la « pilule COVID du lendemain », risque d’être difficilement accessible aux non-vaccinés, contrairement à ce qu’a avancé le gouvernement fédéral la semaine dernière.
Pour l’instant, le nombre limité de doses de ce traitement par voie orale développé par Pfizer pour prévenir les complications de la COVID-19 ainsi que les restrictions entourant l’usage de celui-ci risquent de faire en sorte que ce médicament — dont les pharmacies viennent de recevoir leurs premières livraisons — soit davantage administré aux patients ciblés par les hôpitaux.
« En théorie, la personne idéale pour le recevoir est un non-vacciné à risque de développer une maladie grave. Mais dans les faits, comme la distribution du Paxlovid est centralisée dans les hôpitaux, ça risque d’être les cliniques spécialisées qui vont déterminer quels sont leurs patients à risque, ceux atteints de maladies qui diminuent l’efficacité des vaccins », explique le Dr Mathieu Simon, chef des soins intensifs à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), de l’Université Laval.
Autorisé par Santé Canada la semaine dernière, le Paxlovid est destiné aux patients non hospitalisés à risque de développer des complications liées à la COVID-19, mais qui ont été infectés depuis moins de cinq jours et qui présentent encore des symptômes légers ou modérés.
Surcharge hospitalière
« Beaucoup de non-vaccinés ne se font pas tester, tardent à se rendre à l’hôpital et y arrivent très malades. C’est moins probable, dans ce cas, que les conditions idéales soient réunies pour être candidats à cette thérapie », ajoute le Dr Simon.
Celui qui surnomme le Paxlovid « la pilule du lendemain » contre la COVID croit que ce traitement aura peu d’effets sur la surcharge du réseau de la santé, où les non-vaccinés comptent pour 50 % des hospitalisations en soins intensifs. « Ça ne sera pas un game changer », avance-t-il.
Par contre, ce sera fort utile pour les patients déjà au fait de leur vulnérabilité face à la COVID. « Les patients immunodéprimés qui portent un masque N95 depuis deux ans savent qu’ils doivent contacter tout de suite l’hôpital en cas d’infection, y subir un test PCR et être évalués pour voir s’ils se qualifient pour ce traitement », dit-il.
Le Paxlovid pourrait éviter jusqu’à 89 % des décès et des hospitalisations chez les patients à risque (personnes âgées, obèses, hypertendues, diabétiques, ou présentant tout autre facteur de risque). Mais ce traitement, combinant un inhibiteur de la protéase et un antirétroviral très toxique (ritonavir), est contre-indiqué pour une pléthore de patients. « Il y a beaucoup d’exclusions, notamment pour les patients greffés, ceux souffrant d’épilepsie, de cholestérol élevé et bien d’autres », explique la Dre Emily McDonald, scientifique au sein du Programme en maladies infectieuses de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), qui vient de publier une méta-analyse sur l’efficacité et le coût de divers traitements ambulatoires anti-COVID.
« Il faut traiter 24 patients avec le Paxlovid pour éviter une hospitalisation. C’est un ratio trois fois plus efficace que d’autres médicaments oraux, comme la Fluvoxamine, dont le ratio est de 1 sur 80. Le Paxlovid coûte 12 500 $ par traitement, mais c’est moins cher que le coût moyen de plus de 21 000 $ lié à une hospitalisation pour la COVID », explique-t-elle.
Le Dr Donald Vinh, chef du Département des maladies infectieuses au CUSM, affirme que son hôpital a reçu ses premières livraisons de Paxlovid. Les infectiologues de garde évalueront cette semaine les patients en hématologie, en cancérologie et en greffe aptes à le recevoir, puis toute possibilité d’interaction médicamenteuse grave devra être écartée avant que ce traitement choc de cinq jours (30 pilules) soit prescrit.
« Le Paxlovid est simple à administrer, mais tellement ciblé que ça ne s’adressera pas à un grand public », dit-il. Par exemple, le Paxlovid ne peut être utilisé chez les enfants et les femmes enceintes à risque de développer des complications, indique la Dre Julie Autmizguine, pédiatre infectiologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine.
Le vaccin d’abord
« Mieux vaut être adéquatement vacciné que compter sur ce traitement très peu accessible », affirme le Dr Vinh, qui espère quand même que ce traitement évitera des hospitalisations.
De nombreux autres traitements anti-COVID donnés aux patients infectés ont d’ailleurs aussi des résultats variables, souligne la Dre Emily McDonald.
Dans son étude comparative, celle-ci a évalué que les corticostéroïdes inhalés et la Fluvoxamine (deux médicaments courants et très peu chers) doivent être donnés à entre 70 et 90 patients pour éviter une hospitalisation. « Ils ont un effet moins spectaculaire que le Paxlovid, mais ils sont faciles à administrer et très rarement contre-indiqués. Ils sont sous-utilisés, même si notre étude montre que ça reste intéressant sur le plan sociétal pour prévenir les hospitalisations », dit-elle.
Les bons vieux corticostéroïdes ont quant à eux complètement changé le pronostic des patients et le nombre d’admissions aux soins intensifs, assure le Dr Mathieu Simon, de l’IUCPQ.
Quant aux anticorps monoclonaux (issus du sérum de patients infectés reproduit par biogénétique), seul le Sotrovimab, administré par intraveineuse en début d’infection aux patients à risque, demeure utile contre Omicron, assure la Dre McDonald. Mais les hôpitaux y ont accès au compte-goutte. « Aux États-Unis, les patients tout juste infectés peuvent se rendre sans prescription dans des cliniques destinées aux anticorps monoclonaux. Nos gouvernements devraient augmenter le nombre de doses disponibles », soutient-elle.
Même si l’impact de ces derniers traitements très coûteux (environ 50 000 $) pour prévenir l’hospitalisation est jugé « modéré », cela reste une des rares armes disponibles contre l’hospitalisation et le risque de développer une COVID sévère chez les patients à risque, affirment ces médecins. Au CHU Sainte-Justine, une dizaine de mères à risque et d’enfants de plus de 12 ans y ont eu accès. « Aucune de ces patientes ni aucun de ces enfants n’a développé de formes sévères de la COVID, affirme la Dre Julie Autmizguine. Il est difficile de dire s’ils auraient été hospitalisés sans cela. Ce n’est donné que dans des cas exceptionnels. »
Correction: Une version précédente de ce texte indiquait que le Paxlovid ne pouvait être utilisé chez les enfants ou les femmes enceintes à risque de développer des complications en raison de sa toxicité. C'est plutôt parce qu'il n'a pas été testé sur ces populations.