Les urgences se préparent à la «guerre» contre la COVID-19

La situation continue de se corser à Montréal, avec 6643 cas recensés en une semaine, un sommet jamais atteint depuis le début de la pandémie et le pic de la deuxième vague en janvier 2021. Face à la remontée foudroyante du nombre de cas, le personnel dans les urgences est sur le qui-vive et s’attend à affronter une vague d’ici une dizaine de jours.
« On se prépare à la guerre. Nos urgences sont déjà pleines », a indiqué lundi la Dre Laurie Robichaud, vice-présidente de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ).
Le dernier record de cas hebdomadaires dans la métropole avait été atteint le 3 janvier 2021, avec 6639 cas rapportés.
Entre les dimanches 12 et 19 décembre, le nombre de cas connus a quadruplé dans la métropole, le taux de positivité a dépassé 12 % dimanche et le taux d’incidence dans la population a plus que doublé, avec une forte concentration dans des quartiers jusqu’ici moins touchés. Depuis deux semaines, la plus forte incidence (nombre de cas par 100 000 de population) se concentre dans les quartiers du Plateau-Mont-Royal, de Rosemont–La Petite-Patrie et de Villeray.
Quelque 128 nouveaux cas ont été détectés depuis 24 heures dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, suivi de Rosemont–La Petite-Patrie, avec 176 cas, selon les données par arrondissements dévoilées lundi par la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSPM).
Le secteur du Plateau Mont-Royal détient actuellement la plus forte incidence de COVID de la métropole, avec 779 cas par 100 000 habitants et 935 cas actifs, alors que Rosemont–La Petite-Patrie recensait 689 cas par 100 000 habitants et quelque 688 cas actifs, révèlent des chiffres de la DRSPM et de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui comptabilise ces données pour chaque réseau local de services.
Achalandage préoccupant
Dans les urgences de la communauté métropolitaine, l’achalandage a déjà atteint un seuil préoccupant avec des taux d’occupation de 105 % à Montréal, et oscillant autour de 150 % en Montérégie, dans les Laurentides et dans Lanaudière. Le personnel retient son souffle, car en plus de la croissance des cas de COVID dans les urgences, on doit composer avec l’augmentation des fractures et des maladies respiratoires qui reviennent avec la saison hivernale.
L’augmentation du nombre de soignants infectés depuis deux semaines sème aussi l’inquiétude. Le personnel médical a été pressé de limiter les activités sociales à l’hôpital, mais aussi à l’extérieur. « Notre grosse crainte est que des travailleurs et des médecins soient mis en isolement, et que nos équipes soient réduites. On a des infirmières, des médecins, des inhalos qui ont été infectés. Il n’y a pas eu d’interdiction formelle de voir nos familles à Noël. On se sent un peu comme lors de la première vague », a commenté lundi la Dre Laurie Robichaud, urgentologue à l’Hôpital général juif.
Selon le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ), la COVID-19 s’est déjà invitée dans plusieurs hôpitaux, des employés et des médecins infectés, notamment par leurs enfants, ayant provoqué de petites éclosions.
« Ça cause des problèmes. Dans plusieurs urgences, il y a de un à trois médecins qui ne peuvent travailler, car ils sont soit infectés, soit en attente de résultats. Cette quatrième vague, c’est celle où on a déjà le moins de personnel, et l’on voit que c’est en train d’exploser », a-t-il dit.
En Estrie, où la recrudescence des cas s’est amorcée deux semaines avant la grande région de Montréal, on observe déjà 40 hospitalisations et une hausse du nombre de personnes admises aux soins intensifs, affirme le Dr Boucher. « On ne sait pas si les cas seront plus graves avec Omicron, mais si la même tendance se dessine dans la métropole, ça fait peur », ajoute ce dernier.
Les protocoles de prévention des infections ont été rehaussés dans les hôpitaux, selon la Dre Robichaud, mais plusieurs travailleurs de la santé attendent toujours leur troisième dose pour doubler leur seuil de protection contre le variant Omicron. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a indiqué au Devoir lundi que les données sur le nombre de travailleurs de la santé ayant reçu cette dose de rappel n’étaient pas disponibles.
Selon le Dr Boucher et la Dre Robichaud, le port du masque N95 doit redevenir la norme dans les hôpitaux. La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) a d’ailleurs pressé Québec hier de rendre disponibles ces masques, plus performants contre les aérosols, pour les employés de la santé. En cas de ruptures de services, un projet de directive visant à faire retourner au travail des employés infectés asymptomatiques sème aussi l’inquiétude au sein de cette centrale syndicale. « Même si on affectait ces employés à des tâches administratives, on risque d’exposer encore davantage de travailleurs dans les aires communes. On ne veut pas se retrouver avec des chiffres comme ceux de la première vague », a déploré Hubert Forcier, conseiller à l’information à la FSSS-CSN.
Mais selon le Dr Boucher, ce genre de plan « D » ne serait envisagé qu’en tout dernier recours, et dans certains secteurs critiques seulement. « Ça pourrait être le cas seulement s’il manque des effectifs pour traiter des patients souffrant de maladies mortelles comme les crises cardiaques, dit-il. Car les risques de mourir d’un infarctus sont plus grands que ceux de mourir de la COVID. »
« Ça se bouscule »
La situation évolue aussi vite dans d’autres régions, notamment en Montérégie, où le taux d’incidence a doublé en une semaine, ainsi que dans la Capitale-Nationale.
Entre le 12 et le 19 novembre, le nombre moyen de cas enregistrés quotidiennement en Chaudière-Appalaches a bondi de 132 à 244. Il s’agit désormais de la région la plus touchée au Québec.
Au Bas-Saint-Laurent, la santé publique recensait vendredi 20 nouveaux cas. Ce nombre a grimpé à 168 pour la période allant de samedi à dimanche. « À 1000 dépistages par jour, on a encore un peu de marge de manœuvre », explique Gilles Turmel, conseiller aux communications pour le CISSS régional. « Ici, tout se fait sur rendez-vous, alors ça se gère mieux. »
La Côte-Nord demande aussi à sa population de resserrer les mesures sanitaires. Avec 62 nouveaux cas enregistrés au cours de la fin de semaine, dont 41 en Basse-Côte-Nord, la Santé publique déconseille tout déplacement non essentiel entre municipalités.
Avec Sébastien Tanguay