Tensions linguistiques entre la police et la famille de Riley Fairholm

La mère du jeune Riley Fairholm, qui a été abattu par les forces de l’ordre à l’été 2018, a avancé lundi lors des audiences du coroner qu’une policière sur la scène du drame manifestait de l’hostilité envers elle et son ex-conjoint parce qu’ils sont anglophones.
C’est « sûr et certain » que certains policiers ont « des préjugés contre les anglophones », a avancé Mme Tracy Lynn Wing dans son témoignage lundi après-midi au palais de justice de Sherbrooke. « On n’est pas anti-police, on n’a jamais été anti-police. »
Lac-Brome est une petite municipalité rurale estrienne de 1500 résidents comptant une importante communauté anglophone. L’école secondaire que fréquentait Riley Fairholm compte d’ailleurs une section à part pour les jeunes anglophones.
La coroner Géhane Kamel a commencé lundi son enquête sur la mort du jeune de 17 ans, abattu par les policiers le 25 juillet 2018 à une intersection de son village en pleine nuit. Dans un état de crise, il criait en tenant à la main un fusil à air comprimé.
Sa mère reproche aux policiers d’avoir tiré trop vite le soir du drame, sans prendre le temps de parler à son fils. « Ça fait cinq ans que je garde mon fils en vie et, vous, vous l’avez tué en cinq minutes ! » dit-elle avoir lancé à l’une des policières concernées la nuit du décès.
À ce moment, Mme Wing ignorait que tout s’est déroulé en un laps de temps encore plus court, soit 61 secondes.
Découragement évoqué
Selon ce que la mère et les amis du jeune homme ont dit savoir, Riley Fairholm ne souffrait pas de problème de santé mentale majeur et n’avait pas de diagnostic clair à cet égard.
Riley Fairholm s’était toutefois déjà fait prescrire des antidépresseurs (qu’il ne prenait plus) et avait de graves difficultés scolaires depuis la 3e secondaire. Ses notes baissaient sans arrêt et son comportement turbulent lui valait d’être renvoyé chez lui régulièrement.
Il était le clown du groupe et aimait beaucoup faire rire, a raconté Anders Korean, son meilleur ami d’alors. Mais les semaines précédant son décès avaient été difficiles pour lui, et il se sentait souvent « découragé » face à ses perspectives d’avenir.
Ses amis avaient obtenu leur diplôme, pas lui, a relaté le jeune homme. Il se sentait « pris », a-t-il mentionné en anglais. Malgré tout, ni sa mère ni ses amis ne lui prêtaient de tendances suicidaires.
La nuit où il est mort, son amie Juliette Blais s’est toutefois inquiétée quand il lui a envoyé une photo de lui marchant dehors avec un fusil.
Les deux jeunes, qui s’étaient querellés plus tôt dans la journée, avaient passé une bonne partie de la soirée à se réconcilier et à s’envoyer des messages texte. La jeune femme alors âgée de 16 ans a reconnu que leur relation oscillait entre l’amitié et l’amour, que la dispute portait sur l’avenir de la relation et qu’il était « très déçu ». Ils se sont envoyé des messages jusque dans les minutes précédant l’intervention.
L’une des avocates des policiers a rappelé par la suite que, lors de son interrogatoire il y a deux ans, Juliette Blais avait laissé entendre que Fairholm voulait se tuer, mais que « quelqu’un le fasse pour lui », ce qui s’est finalement produit quand les policiers l’ont abattu.
Mais questionnée à ce sujet lundi, elle a affirmé que c’était davantage une thèse dont les gens discutaient après sa mort qu’une idée découlant des propos tenus par le jeune homme.
Quatre ans d’attente
Il faut dire que les témoins ont plus d’une fois eu de la difficulté à se rappeler certains détails lundi, les événements remontant à près de quatre ans. La coroner Kamel a d’ailleurs dit regretter ces longs délais.
« Vous êtes tombés dans une craque », a-t-elle déploré en s’adressant à la mère. « Plusieurs coroners se sont succédé [dans le dossier] pour toutes sortes de raisons. »
Les travaux de la coroner doivent se poursuivre à Sherbrooke demain avec les témoignages des six policiers de la Sûreté du Québec qui sont intervenus cette nuit-là. Elle entendra notamment par la suite des psychologues, un psychiatre et un expert en usage de la force.
La mort de Riley Fairholm a fait l’objet d’une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes, à la suite de laquelle aucune accusation n’a été portée contre les policiers.
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