Le leader d’Atalante coupable d’entrée par effraction dans les bureaux de VICE en 2018

La Cour d’appel vient de casser les verdicts d’acquittement rendus en 2020 en faveur de Raphaël Lévesque, le leader du groupe d’extrême-droite Atalante, qui avait fait irruption dans les bureaux montréalais du défunt média VICE Québec pour y tenir une supposée satire de remise de prix.
Pour la Cour d’appel, exprimer ses opinions, un droit protégé par la Charte, ne permet pas d’entrer illégalement dans un lieu privé pour les clamer haut et fort. Par son jugement rendu mardi, elle reconnaît l’homme coupable d’un chef d’accusation, soit introduction par effraction.
Le 23 mai 2018, Raphaël Lévesque, muni d’un bouquet de fleurs, se présente seul aux portes de VICE Médias Québec.
Voyant ce visiteur aux airs bienveillants, une employée déverrouille électroniquement la porte d’entrée. Six ou sept de ses acolytes, jusque-là dissimulés, font alors irruption dans les locaux du média.
Sauf pour Raphaël Lévesque, qui arbore des lunettes fumées, tous les autres portent des masques et un chandail à l’effigie du mouvement Atalante, qui se décrit comme un groupe révolutionnaire, nationaliste et indépendantiste, est-il résumé dans le jugement de la Cour.
Sur fonds de musique du jeu télévisé américain The Price is Right, ils lancent des nez de clown et des tracts dans les locaux, sous les yeux médusés des employés. Certains ont témoigné au procès s’être sentis menacés.
Puis, Lévesque remet au journaliste Simon Coutu un trophée satirique — pour un article qu’il a écrit sur le groupe quelques jours plus tôt — sur lequel il est écrit « Média Poubelle 2018 » et lui lance : « Un gros merci de la part des victimes de la guerre que vous êtes en train d’essayer de partir ».
Pour ces « 75 secondes de désordre », il a été accusé de 4 infractions, dont harcèlement criminel, mais au terme de son procès, il a été acquitté par la juge Joëlle Roy de la Cour du Québec sur toute la ligne. La Couronne a porté les verdicts sur deux chefs en appel.
Peine à définir
La Cour d’appel est en désaccord avec la juge Roy sur plusieurs aspects de droit, dont ceux-ci.
D’abord, une introduction par effraction ne s’excuse pas parce qu’elle s’est déroulée « pacifiquement » : qu’il n’y ait eu aucun cri ni menace ne change rien à la commission de l’infraction, écrit la Cour d’appel. De plus, l’exercice de la liberté d’expression ne permet pas non plus de s’introduire dans un lieu privé pour la faire valoir.
Quant au méfait, tous ses ingrédients sont ici réunis, juge la Cour. L’irruption soudaine et bruyante du groupe a empêché les employés de jouir pleinement de leur lieu de travail, et la musique et les tracts qui ont été lancés un peu partout les ont empêchés de travailler.
« De façon concertée, lui [Lévesque] et ses acolytes ont fait du tintamarre lors de leur irruption dans le local de Vice. Ils ont aussi fait jouer de la musique avec un volume élevé et lancé sur le sol plusieurs objets, sans compter le sentiment d’intimidation ressenti par les employés de Vice en présence d’un groupe important d’hommes masqués agissant sous la direction de [Lévesque] », écrit la Cour d’appel.
Bref, Raphaël Lévesque a bel et bien « interrompu, empêché ou gêné la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien », ce qui est l’une des situations interdites sous l’appellation de « méfait ».
La Cour d’appel tranche que deux crimes ont été commis ce jour-là, soit entrée par effraction et méfait. Mais comme ils l’ont été dans la même « transaction criminelle » et le « même continuum de temps » et que la loi empêche les condamnations multiples pour le même acte, elle ordonne l’arrêt des procédures pour l’accusation de méfait.
Il reste donc la condamnation pour entrée par effraction. La Cour renvoie ainsi le dossier devant la Cour du Québec, qui décidera de la peine à imposer à Raphaël Lévesque.