Une carrière tout en émotions pour Susanne P. Lajoie
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Les prix de l'Acfas
Susanne P. Lajoie, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université McGill, doit beaucoup aux jeux vidéo qu’elle a découverts pendant ses études doctorales à Stanford, en Californie.
« C’était au début des années 1980 et on y côtoyait les tout premiers gamers. Mais là où certains ne voyaient que des jeux très violents, j’ai perçu le potentiel des ordinateurs comme outil pour motiver les apprenants, mais également pour étudier leur trajectoire d’apprentissage », raconte la lauréate du prix Acfas Jeanne-Lapointe pour les sciences de l’éducation, qui récompense une carrière à l’intersection de la psychologie, de l’éducation et de la technologie informatique.
Après une thèse doctorale qui démontrait le potentiel de l’informatique pour enseigner à des gens dotés d’une forte intelligence visuelle spatiale, comme les ingénieurs, la chercheuse a fait comme ses amis joueurs : elle est passée à l’autre niveau, pour examiner le lien entre cognition et émotions. Encore là, l’informatique lui a permis d’aller au-delà de l’expression verbale de l’apprenant pour recueillir des données sur sa gestuelle faciale et ses réactions physiologiques (pulsations, sudation, respiration) en temps réel.
« Quand une personne pense, elle est traversée d’émotions, et même de beaucoup d’émotions, explique-t-elle. La relation entre les deux est très complexe, mais elle est critique. Même des émotions positives peuvent perturber un apprentissage. »
Si ses deux livres sur les ordinateurs en tant qu’outil cognitif font autorité et si son travail est abondamment cité, c’est aussi parce que Susanne P. Lajoie a trouvé des applications pratiques à ses travaux dans des domaines aussi variés que la médecine, l’avionique, l’histoire et les mathématiques.
À l’heure actuelle, son sujet de prédilection est l’apprentissage collaboratif en groupe. « Ce qu’on appelle la cognition distribuée fait intervenir les relations sociales dans lesquelles jouent les émotions. C’est critique dans les contextes où une seule intelligence ne suffit pas, comme pour une équipe médicale. »
Comme ses travaux ont une incidence directe pour comprendre le décrochage scolaire, elle a dirigé plusieurs grands projets d’études internationaux et nationaux en pédagogie.
« Si un élève décroche, ce n’est pas juste parce qu’il n’a pas de fun. Il y a aussi la question du sens. Quand on est “en contrôle”, ou quand on valorise ce qu’on apprend, on apprend mieux. Les émotions jouent à plein et les ordinateurs nous aident à suivre ce qui se passe réellement dans nos têtes pendant un apprentissage. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.