Le PianoLab, ou la pédagogie du piano sous la loupe des sciences
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Les prix de l'Acfas
L’apprentissage du piano, ou de tout autre instrument, n’est pas qu’une simple affaire de talent. Entre la réussite d’un élève et l’abandon précoce d’un autre, la pédagogie change tout. Au Laboratoire de recherche en pédagogie du piano de l’Université d’Ottawa, on étudie cette discipline en faisant appel à la science et aux données empiriques. Gilles Comeau, directeur du laboratoire, est le lauréat du prix Jacques-Rousseau 2021 de l’Acfas, qui récompense la multidisciplinarité.
Lui-même diplômé en musique et en piano, en philosophie et en psychoéducation ainsi que détenteur d’un doctorat en fondements de l’éducation musicale de l’Université de Montréal, il travaille depuis plus de 20 ans pour établir la pédagogie du piano comme un véritable domaine de recherche scientifique.
En 2004, il a ouvert ce laboratoire de recherche innovateur, aussi appelé le PianoLab. Pour ce faire, il a d’abord observé attentivement le travail d’autres laboratoires de recherche multidisciplinaires, car il n’existait pas de laboratoire scientifique du genre en musique. Depuis la fondation du laboratoire, des chercheurs d’une multitude de disciplines ont contribué aux recherches.
« Pour mettre la musique sous la loupe des sciences, j’ai travaillé avec des chercheurs en génie informatique, en génie mécanique, en génie biomédical, en réadaptation, en audiologie, en kinésiologie, en psychologie, en neurosciences, explique Gilles Comeau. L’enseignement instrumental est maintenant vu comme un champ de recherche disciplinaire et multidisciplinaire, ce qui a des retombées sur la formation de nouveaux chercheurs en pédagogie du piano, en pédagogie musicale en général, et sur la formation de nouveaux professeurs de musique, qui peuvent maintenant s’appuyer sur des données probantes. »
Au-delà des idées reçues
Le fait que l’apprentissage musical ait toujours été une activité parascolaire, pas obligatoire, a fait en sorte que les professeurs de musique se sont beaucoup reposés sur la question du talent. Si un élève rencontrait des difficultés, ils se disaient qu’il n’avait pas de talent ou qu’il ne s’exerçait pas assez.
« On ne s’est pas beaucoup questionné pour trouver des solutions, comme on l’a fait en éducation, illustre Gilles Comeau. À l’époque de nos grands-parents, ceux qui avaient de la difficulté à lire quittaient tout simplement l’école. Pour la génération de nos parents, on réussissait à les scolariser jusqu’à la fin du primaire. Aujourd’hui, des gens dyslexiques obtiennent leur diplôme universitaire. »
Selon le professeur, si on n’a pas eu le choix d’étudier scientifiquement comment se fait l’apprentissage de la lecture et de développer des approches pour venir en aide à ceux qui ont des difficultés, en musique, on a toujours été content de travailler avec les meilleurs et on a développé un modèle où ceux qui ne réussissent pas facilement finissent par être éliminés ou par abandonner.
« Au laboratoire, on s’est intéressés à la dyslexie musicale, pour découvrir qu’il y a des enfants qui ont de la difficulté à lire les partitions dans les premières années, et il est probable que cela n’ait rien à voir avec le talent, la pratique et le fait d’aimer ou de ne pas aimer l’instrument, indique-t-il. Ils ne parviennent tout simplement pas à lire les notes. Notre laboratoire a donc voulu comprendre l’ensemble de l’apprentissage et de ses difficultés. »
Une approche plus globale
Parmi les questions sur lesquelles les chercheurs se sont penchés, on compte la motivation et ses facteurs, la coordination motrice, la perception, les douleurs et blessures ainsi que l’anxiété de performance, un problème qui touche de plus en plus d’étudiants en musique.
« Traditionnellement, la pédagogie du piano s’est basée presque entièrement sur l’expérience des enseignants, les grands maîtres, mais on retrouvait très peu de textes scientifiques sur le sujet, note Gilles Comeau. Au laboratoire, nous avons pu démontrer que l’apprentissage du piano peut être étudié sur des bases scientifiques, en utilisant des outils de mesure qu’on n’avait pas vus auparavant dans le domaine. Nous avons été les premiers, par exemple, à utiliser la thermographie infrarouge pour observer les douleurs, les inflammations ou un manque de circulation chez les musiciens. Nous avons ouvert la voie dans plusieurs domaines pour former des chercheurs afin d’intervenir de façon scientifique dans une discipline essentiellement artistique. »
Gilles Comeau ne doute pas que les travaux du PianoLab aideront les professeurs de piano à adopter une approche plus globale.
« Pour avoir enseigné moi-même le piano pendant des années, j’ai pu constater que chez certains élèves, les choses tombent facilement en place, mais c’est une minorité, dit-il. Ce sont les autres qui m’ont intéressé, dans ma carrière, pour trouver comment donner accès au phénomène musical et au plaisir de faire de la musique à un plus grand nombre. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.