Un centre d’étude pour répondre à l’évolution spirituelle de la société

Stéphane Gagné Collaboration spéciale
David Koussens, professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke (UdeS) et directeur du nouveau Centre universitaire sur l’étude du religieux contemporain.
Photo: UdeS David Koussens, professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke (UdeS) et directeur du nouveau Centre universitaire sur l’étude du religieux contemporain.

Ce texte fait partie du cahier spécial Religion

Il y a eu toute une évolution spirituelle depuis les années 1960, moment où les églises ont connu une baisse de fréquentation importante. Les Québécois ont certes abandonné en masse la pratique religieuse catholique, mais ils n’ont pas rejeté pour autant la spiritualité. Aujourd’hui, cette spiritualité (qui inclut le religieux) se décline sous diverses formes (méditation, yoga, croyances diverses). C’est ce qu’on appelle le religieux contemporain. Entrevue avec David Koussens, professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke (UdeS) et directeur du nouveau Centre universitaire sur l’étude du religieux contemporain, pour démystifier le phénomène.

Ce nouveau centre, créé en juillet 2015, était devenu nécessaire pour répondre aux nombreux changements observés dans les systèmes de croyances, selon M. Koussens. « On se dit de moins en moins religieux, mais de plus en plus spirituel. » Plusieurs pratiquent la méditation ou le tai-chi, par exemple, dans un but spirituel. À cela s’ajoute une panoplie d’autres religions et sectes religieuses qui occupent une place plus grande qu’avant dans le grand marché du religieux contemporain.

« L’autre chose qui a changé est l’adhésion à un groupe, dit M. Koussens. Aujourd’hui, cette adhésion se fait rationnellement, suite à un processus de réflexion, parfois long, alors qu’auparavant, c’était plus irrationnel. On adhérait souvent à la suite d’une révélation. Les lieux d’émergence du religieux sont aussi de plus en plus éclatés. Les individus déterminent eux-mêmes à partir de leurs propres besoins quelles croyances ont du sens pour eux. Ce n’est plus l’institution qui définit la vérité comme cela était le cas avant. »

Le centre est donc issu de ce changement de paradigme. Comme plusieurs sociétés occidentales, le Québec est passé d’une société dominée par les croyances d’une seule religion (la religion catholique dans ce cas-ci) à une société où cohabitent diverses formes de spiritualité. « Toutefois, bien des Québécois ne comprennent encore le religieux qu’au travers d’une matrice catholique, dit M. Koussens. Une analyse qui peut conduire à de mauvaises interprétations. Le but du centre vise donc à outiller les étudiants à mieux saisir la diversité religieuse et à revenir aux fondements mêmes des diverses religions et croyances. »

Aux yeux de M. Koussens, le centre est le résultat d’une évolution naturelle dans l’étude du religieux à l’UdeS. « Créée en 1966, la Faculté de théologie et d’études religieuses (FATER) de l’UdeS a pris des positions très novatrices sur plein d’enjeux sociétaux dont l’avortement, mais il était devenu nécessaire de renforcer la compréhension du religieux contemporain », raconte M. Koussens. Depuis peu, la Faculté n’existe donc plus et a été remplacée par le Centre universitaire sur l’étude du religieux contemporain.

Cette décision a toutefois suscité quelques remous au sein de l’Université. L’Association étudiante de la faculté de théologie et d’études religieuses (AEFATER) se disait très déçue de la tournure des événements, car elle aurait souhaité que la direction conserve au moins quelques formations de premier cycle. En vain. La baisse constante de la clientèle étudiante a peut-être joué dans la balance. La faculté comptait 148 étudiants à l’hiver 2015.

Une approche multidisciplinaire

 

Le Centre a opté pour une approche multidisciplinaire dans l’étude des différentes mouvances spirituelles actuelles. « Quelque 23 chercheurs provenant de divers horizons tels que la médecine, la psychologie, l’histoire, l’anthropologie, la gestion et le droit, oeuvrent au Centre, explique le directeur. Par exemple, nous avons des anthropologues qui étudient la spiritualité chez les autochtones et des professeurs en management qui s’intéressent au mieux vivre ensemble dans les entreprises. Ils étudient comment adopter des politiques de management efficaces dans des organisations où se côtoient des employés de confessions diverses. Ils s’intéressent aussi à l’intégration de pratiques spirituelles (la méditation, par exemple) ayant pour but de favoriser le mieux-être en entreprise. »

Outre la recherche, le Centre dispensera des formations de 2e et 3e cycles universitaires. Toutes les formations, sauf l’École d’été, sont données à distance. Elles s’adressent surtout à des professionnels, provenant de diverses disciplines. « Par exemple, nous avons des professionnels qui travaillent en diversité culturelle et religieuse à la Commission scolaire de Montréal, un travailleur social qui travaille dans un centre pénitencier, etc. »

L’École d’été sera dispensée au campus de Longueuil de l’UdeS. Il s’agit d’un cours intensif d’une semaine qui sera donné en juin prochain. Dans le descriptif, on mentionne qu’il « rassemblera des spécialistes de diverses disciplines autour de l’étude d’une question religieuse contemporaine. Cette approche interdisciplinaire sera complétée par la réalisation d’études de cas qui permettra au participant d’analyser le phénomène proposé, d’isoler les problématiques et d’apporter un éclairage ».

La formation interdisciplinaire et la recherche réalisées au Centre, David Koussens est bien placé pour la superviser. En plus d’être professeur à la Faculté de droit, M. Koussens est titulaire de la Chaire de recherche Droit, religion et laïcité et il est membre régulier du Centre de recherche société, droit et religion de l’UdeS. Il possède une double formation en droit et en sociologie acquise au Québec et en France, et il a développé de nombreux projets de recherche interdisciplinaire sur l’analyse du religieux contemporain.

Cela semblait donc logique que l’UdeS le choisisse pour orienter les travaux du Centre avec pour mission d’assurer la promotion et le développement de l’étude du religieux contemporain au sein de l’institution.

D’autant plus au moment où le gouvernement du Québec a le projet de hausser le nombre d’immigrants accueillis chaque année de 50 000 à 60 000, des gens qui proviendront de diverses confessions religieuses. Dans ce contexte, mieux saisir la dimension du religieux semble encore plus pertinent.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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