Des élus jugent «déplorable» l’éviction de deux groupes de défense des locataires à Montréal

La Ville de Montréal promet d’aider deux groupes de défense des droits des locataires à se reloger après qu’ils eurent été forcés de quitter un bâtiment de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve racheté par une école privée de Toronto. Des élus de l’Assemblée nationale demandent du même coup à Québec d’offrir plus de stabilité aux organismes communautaires locataires.
Le Cestar College, basé dans la Ville Reine, a fait l’acquisition l’automne dernier d’un bâtiment de quatre étages à vocation commerciale situé sur la rue Ontario Est. Il compte rénover entièrement celui-ci, puis y offrir quatre programmes éducatifs. Ce bâtiment hébergeait initialement six organismes communautaires, mais trois ont quitté les lieux au courant des derniers mois. Parmi les organismes restants qui seront bientôt évincés, on compte deux groupes de défense des locataires de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, soit le Comité BAILS et Entraide logement. Ceux-ci doivent quitter le bâtiment d’ici au 1er juillet, rapportait Le Devoir vendredi.
« C’est troublant, d’autant plus que ce sont des organismes qui travaillent pour le droit au logement, un enjeu essentiel pour notre quartier », a réagi par écrit vendredi le conseiller du district d’Hochelaga, Éric Alan Caldwell. Celui-ci a assuré qu’un employé de l’arrondissement était « en contact » avec ces deux groupes de défense des locataires « depuis le mois de mars » afin de les aider à se reloger.
« En ce moment, on fait un autre tour de roue avec eux pour les soutenir dans la recherche de locaux qui leur conviennent. On tient à préserver la vocation populaire du quartier, avec un tissu social fort et solidaire », a ajouté M. Caldwell.
L’éviction de groupes communautaires est d’ailleurs commune et « rappelle tristement que la crise du logement concerne et touche tout le monde », a écrit le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en fin d’après-midi. « La Ville n’a cependant pas les leviers réglementaires pour éliminer ces pratiques dans les locaux commerciaux », dont les baux offrent une protection très faible aux locataires par rapport à leur équivalent dans les bâtiments à vocation résidentielle, a souligné l’attachée de presse Marikym Gaudreault.
« [La Ville] s’assure toutefois d’accompagner et de soutenir les organismes touchés de différentes façons, notamment par […] son programme de subventions pour locaux à vocation communautaire et dans l’accompagnement pour la recherche de nouveaux locaux », a-t-elle fait valoir.
La porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme, propose pour sa part que la Ville réserve certains de ses bâtiments et terrains « excédentaires » à des organismes communautaires. Ceux-ci pourraient alors sortir de la précarité que leur impose le fait de devoir signer un bail commercial en plus d’avoir la garantie de pouvoir rester au cœur des quartiers qu’ils servent, évoque-t-elle. « Les organismes ont besoin de rester au cœur des communautés qui ont mis en place ces ressources-là », souligne la porte-parole.
Or, « il manque des infrastructures sociocommunautaires pour héberger les organismes dans tous les quartiers » de Montréal, relève également le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla, qui demande à Québec de fournir des locaux aux groupes communautaires dans le besoin.
Le gouvernement Legault pourrait également s’attaquer à « l’absence totale d’encadrement des baux commerciaux », renchérit le député. « Il y a une nécessité que le gouvernement du Québec légifère en cette matière-là, mais je vois peu de possibilités qu’[il] agisse dans ce sens-là », dit-il, qualifiant de « déplorable » l’éviction de deux groupes de défense des locataires de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
Un collège qui dérange
Du côté du Parti québécois (PQ), c’est surtout l’intérêt affiché de ce collège privé de Toronto de s’étendre à Montréal et dans le reste du Québec qui fait réagir, au moment où le gouvernement du Québec entend adopter dans les prochains mois son projet de loi 96, qui vise à renforcer la Charte de la langue française.
« Dans son propre projet de loi 96, le gouvernement nous disait vouloir geler l’effectif étudiant des collèges anglophones privés non subventionnés. En acceptant la venue du Cestar College, il contreviendrait à l’esprit de sa propre loi, ce qui est un non-sens », a écrit le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon.
« Si la CAQ autorise cela, on aura une énième démonstration de son double discours en matière linguistique. Je pense qu’à ce stade-ci, les citoyens de l’est de Montréal ont bien davantage besoin d’organismes communautaires qui œuvrent dans le logement que d’un collège privé anglophone », a-t-il renchéri.
Au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, on confirme que le dossier du Cestar College concernant l’aménagement d’une école dans un bâtiment de la rue Ontario Est se trouve présentement « en analyse ». La direction de cet établissement torontois a aussi entamé des démarches pour acquérir les controversés collèges de l’entreprise Rising Phoenix International au Québec, mais encore là, « la demande de cession de permis est toujours en cours d’analyse au ministère de l’Éducation et au ministère de l’Enseignement supérieur », indique le directeur des communications Bryan St-Louis.
Les collèges de Rising Phoenix, situés à Montréal, à Longueuil et à Sherbrooke, avaient fait l’objet de nombreuses critiques reliées notamment à des frais accessoires faramineux imposés à des étudiants étrangers et à des tactiques douteuses en matière de recrutement. Un plan d’action a ensuite été présenté en juin dernier par la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, afin de resserrer l’encadrement des collèges privés non subventionnés.
Avec Jeanne Corriveau et Lisa-Marie Gervais