Une rencontre sur le chemin de la réconciliation entre les Premières Nations et le pape

Après les Métis et les Inuits lundi, c’était au tour des Premières Nations de rencontrer le pape François, jeudi, au Vatican. Une audience qui a été qualifiée d’« historique » dans le chemin entamé vers la réconciliation entre les peuples autochtones et l’Église catholique, qui a géré la majorité des pensionnats pour Autochtones du Canada.
Bien qu’une seule heure était prévue pour la rencontre avec le souverain pontife, l’audience s’est étirée sur deux heures. Des survivants des pensionnats étaient présents aux côtés de chefs des Premières Nations pour raconter leur histoire.
« On espère fortement que ces discussions seront le début d’un dialogue continu et d’un partenariat dans lequel on pourra apprendre du passé et partager nos visions pour un avenir forgé d’espoir », a déclaré après la rencontre le chef Gerald Antoine, qui dirige la délégation de l’Assemblée des Premières Nations (APN) à Rome.
Également présent au Vatican, l’ancien chef national de l’APN s’est dit porté par un sentiment d’optimisme à la suite de l’audience avec le pape François. « Le Saint-Père nous a clairement dit qu’il était avec nous, a mentionné Phil Fontaine. C’est une déclaration incroyablement importante, parce que la prochaine chose que l’on entendra, ce sont des excuses. J’en suis convaincu. »
Ces excuses pourraient être au cœur de la visite papale au Canada, prévue dans les prochains mois. Lundi, les délégations métisse et inuite avaient également réclamé que François prononce en sol canadien des excuses officielles au nom de l’Église catholique.
Dans son rapport déposé en 2015, la Commission de vérité et réconciliation recommandait au Vatican de présenter des excuses aux survivants des pensionnats ainsi qu’à leur famille. En 2017, le premier ministre Justin Trudeau avait personnellement enjoint le pape à demander pardon aux Autochtones, ce que ce dernier avait refusé de faire.
Environ 150 000 enfants autochtones du pays ont été contraints de fréquenter les pensionnats, ce qui les a déracinés de leur culture et éloignés de leur famille et de leur communauté. Plusieurs de ces enfants ont subi des sévices physiques et sexuels aux mains de membres du clergé.
Sépultures anonymes
Selon Phil Fontaine, la découverte l’an dernier de centaines de sépultures anonymes sur des sites d’anciens pensionnats pour Autochtones pourrait être à l’origine du changement d’attitude du Vatican. « La nouvelle avait fait le tour du monde », a-t-il rappelé.
« J’étais convaincu à ce moment-là que l’Église catholique n’avait d’autre choix […] que de faire ce qui lui avait été demandé [présenter des excuses] par tant de personnes depuis tellement d’années. »
Pour que ces excuses soient significatives, elles devront reconnaître la « vérité » et la responsabilité de l’Église, a mentionné la cheffe Rosanne Casimir (Kúkpi7), de la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc, en Colombie-Britannique — une communauté qui a été secouée l’an dernier par la découverte de 200 sépultures anonymes sur le site de l’ancien pensionnat de Kamloops.
« Il y a encore beaucoup de vérités à mettre au jour », a fait valoir la cheffe Casimir, mentionnant que les dépouilles des enfants devront être identifiées et retournées à leur communauté et leur famille. « L’Église catholique peut jouer un rôle significatif en donnant accès aux archives et aux documents en sa possession », a-t-elle dit.
Rosanne Casimir a également réclamé que l’Église catholique participe financièrement à la guérison des communautés autochtones aux prises avec des traumatismes intergénérationnels ainsi qu’à la revitalisation et à la promotion des langues et de la culture autochtones.
Porte-bébé
Lors de cette audience, basée sur l’écoute, des raquettes faites à la main par des aînés cris ont été remises au pape François pour lui démontrer que « notre culture et notre langue sont toujours vivantes », a rapporté Mandy Gull-Masty, grande cheffe de la nation crie.
La délégation des Premières Nations a aussi confié au souverain pontife un porte-bébé autochtone (cradleboard). « Il représente chaque enfant qui a fréquenté un pensionnat pour Autochtones », a expliqué la cheffe crie.
Les délégués ont demandé au pape de prendre soin du porte-bébé pour la nuit et de le leur rendre vendredi lors de l’audience générale que tiendra le pape François avec l’ensemble de la délégation autochtone du Canada. « Nous avons dit au Saint-Père : la manière dont vous traiterez ce porte-bébé indiquera comment vous traiterez notre peuple à l’avenir », a souligné Mandy Gull-Masty.
« En nous rendant le porte-bébé [vendredi], le pape va démontrer son engagement envers notre peuple. »