Mieux communiquer pour aider les aînés

L’arrivée de la COVID-19 en  sol québécois  a exacerbé l’isolement social de plusieurs personnes âgées.
Marie-France Coallier Le Devoir L’arrivée de la COVID-19 en sol québécois a exacerbé l’isolement social de plusieurs personnes âgées.

Un an après le début de la pandémie, des chercheurs de l’Université Concordia s’affairent à trouver de nouveaux moyens d’entrer en contact avec les personnes âgées pour améliorer leurs conditions de vie, affectées par la crise. Les conclusions de leurs recherches ont fait l’objet du colloque Vieillissement et bien-être : un an plus tard.

La rencontre a été organisée par le Centre de recherche sur le vieillissement engAGE de Concordia, le 12 avril dernier. Elle a montré notamment que la crise a exacerbé les inégalités sociales vécues par les aînés. Selon Constance Lafontaine, directrice associée au projet de recherche Ageing, Communication, Technologies à l’Université Concordia et panéliste à l’événement, les participants ont tous la même conscience « d’agir rapidement » pour venir en aide à la communauté.

Si certaines personnes âgées souffraient de solitude avant la pandémie, l’arrivée de la COVID-19 en sol québécois a accru la difficulté à entrer en contact avec les plus vulnérables d’entre elles, a observé la chercheuse. « Quand on parle seulement aux aînés qui ont un téléphone cellulaire ou un accès à Internet, on manque la perspective de ceux qui sont les plus pauvres, qui sont déjà dans les marges de la société », souligne-t-elle.

Janis Timm-Bottos, professeure à l’Université Concordia en thérapie par les arts, abonde en ce sens. La chercheuse s’affairait par ailleurs avant le début de la crise à lutter contre l’isolement des personnes âgées, notamment par son Laboratoire vivant créatif. Ce programme leur permet d’exprimer leurs besoins et de parler de leurs expériences à travers des activités artistiques gratuites.

Mais la pandémie a posé un défi supplémentaire. « Nous avons dû tout transférer en ligne. Et ensuite nous avons essayé de retrouver les participants et de les mettre en contact », raconte-t-elle. Un an plus tard, son équipe se démène toujours à trouver des moyens de rejoindre ceux qui ne sont pas sur les réseaux sociaux, notamment par le biais de conférences téléphoniques.

Selon le Portrait des inégalités entre générations et entre personnes aînées de l’Observatoire québécois des inégalités paru en 2020, 74 % des gens de plus de 65 ans ont accès à Internet. Toutefois, chez ceux qui ont un revenu annuel de moins de20 000 $ par année, cette proportion chute à 43 %.

Plus de gens vulnérables

 

La pandémie a plongé dans l’insécurité plusieurs personnes qui n’avaient jamais fait face à ces problèmes avant la crise, note Mme Lafontaine. Des aînés ont notamment peiné à se nourrir, étant donné l’impossibilité pour eux de commander en ligne ou de compter sur un réseau de connaissances pour aller faire leurs courses. « Des gens fouillaient dans les poubelles. Il y en a qui bravaient quand même les foules des épiceries pour pouvoir se nourrir, malgré le fait qu’ils avaient vraiment peur de contracter la COVID », illustre-t-elle.

Afin de leur venir en aide, la chercheuse et son équipe ont élaboré le projet COVID-19 Grocery Response NDG. L’initiative a été réalisée en partenariat avec le Centre pour personnes âgées Espoir Nouveau, dans le quartier montréalais de Notre-Dame-de-Grâce. « Ç’a été tout un défi de recruter des gens qui sont dans le plus grand besoin », souligne Mme Lafontaine.

Des appels entre des bénévoles et des aînés ont été mis sur pied. Un système de référencement a également été instauré, notamment par le biais du CLSC et d’organismes communautaires. « On a posé des affiches partout dans le quartier, on a distribué des cartes postales, dans les pharmacies, les épiceries, etc. », dit-elle.

Mme Timm-Bottos et son équipe ont aussi trouvé des moyens de communiquer avec les aînés qui ne sont pas adeptes des technologies numériques. Cela s’est fait entre autres par le biais de conférences téléphoniques, d’infolettres envoyées par la poste. « Nous essayons vraiment fort de leur demander : “qu’est-ce qui fonctionnerait pour vous, comment pourriez-vous entrer en contact avec nous ?’’ » souligne-t-elle.

De la résilience face à l’adversité

Si les aînés ont connu de nombreuses embûches avec la crise, les panélistes du colloque ont constaté une certaine résilience de leur part, selon Mme Timm-Bottos, qui l’a également observé au sein de son laboratoire vivant. « Ils ont dû composer avec l’isolement social depuis plusieurs années et ont l’expérience de vie pour être capables de s’adapter et y faire face », explique-t-elle.

Elle note d’ailleurs que les participants à ses travaux « aiment faire partie de façon significative » de ses recherches. « Ils sont excités d’être invités et de dire ce qu’ils pensent et ce qui leur tient à cœur », souligne Mme Timm-Bottos.

Les aînés devraient être davantage impliqués dans les processus décisionnels, estime de son côté Mme Lafontaine. « Comment peut-on inclure les personnes âgées et vraiment représenter leur perspective ? » s’interroge-t-elle, insistant sur la nécessité de faire un « effort concret » pour toucher spécialement les personnes âgées en situation de précarité.

« Quand

 

on parle seulement aux aînés

 

qui ont un téléphone cellulaire ou un accès à Internet, on manque la perspective de ceux qui sont les plus pauvres, qui sont déjà dans les marges de

 

la société »

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