L’année en dessins: ping-pong nucléaire entre la Corée du Nord et les États-Unis

Illustration: Garnotte Si les tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis ont généré autant d’attention, c’est aussi dû à la personnalité particulière des deux protagonistes — ou pongistes — de cette escalade. 

Le conseil géopolitique-diplomatique de l’année? Il faut privilégier «l’approche raisonnable et non émotionnelle, au lieu d’avoir une cour de récréation où les enfants se battent sans que personne ne puisse les arrêter».

Le seul fait que le chef de la diplomatie russe (Sergueï Lavrov) ait cru bon réitérer ce principe relativement fondamental des relations internationales illustre le genre d’année que fut 2017 à l’échelle des échanges entre la Corée du Nord et les États-Unis : épique et inédite.

Faire la liste complète des invectives lancées par Donald Trump ou Kim Jong-un pourrait monopoliser une bonne partie de cette page. Un résumé serré donnerait plutôt que Jong-un est un « rocket man » (homme-fusée), un « petit gros » et un « fou ». Donald Trump est pour sa part « vieux » et « mentalement dérangé » — entre autres.

Plus important que ces quolibets d’ordre scolaire, ce sont surtout les menaces militaires très explicites (et les nombreuses démonstrations des capacités de tir de Pyongyang) qui préoccupent les observateurs.

« Je disciplinerai par le feu le gâteux américain », a notamment promis Kim Jong-un. Ah oui ? La Corée du Nord fera face à une puissance de « feu et de fureur telle que le monde n’en a jamais vu », a répliqué le président américain, tout en pronostiquant la « destruction totale » de la Corée.

Y a-t-il réel danger de guerre derrière cette apparente partie de ping-pong nucléaire ? Fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Charles-Philippe David parle plutôt d’un « test de volonté et de crédibilité de part et d’autre, où chacun signale à l’autre ses intentions et ce qu’il n’acceptera pas. En soi, ce n’est pas nouveau en relations internationales ».

Plus que le problème nucléaire, c’est la gestion de cette question qui inquiète M. David. « Ce n’est pas la première fois que des dirigeants non démocratiques ont la bombe nucléaire. Je peux aussi comprendre que Kim Jong-un, comme son père et son grand-père avant lui, croit que l’acquisition de l’arme nucléaire est la seule garantie de survie de son régime. »

Illustration: Garnotte

Ainsi, à ses yeux, le scénario dangereux n’est pas tant que la Corée du Nord soit un État nucléaire plus que l’idée que Washington pourrait vouloir enrayer cette menace une fois pour toutes. Or, « on ne peut pas penser qu’on ira désarmer la Corée du Nord, dit M. David. C’est illusoire, et c’est un scénario qui aurait des conséquences épouvantables. On ne peut pas non plus penser que le régime nord-coréen va accepter volontairement de démanteler son programme. »

Alors quoi ? « Il faut accepter que la Corée du Nord puisse être un État nucléaire, et énoncer une doctrine claire par rapport à ça : que Trump dise que toute attaque contre les États-Unis ou un allié sera suivie de représailles sans appel. Un peu comme Jimmy Carter l’a fait en 1980 pendant la crise avec l’Iran et l’Afghanistan. »

Autrement dit : composer avec le problème et établir des limites claires, tout en gardant en tête qu’une attaque nucléaire n’est envisageable pour personne. Tout ici est jeu de pouvoir ou de propagande, mais tout doit justement demeurer une forme de jeu.

Entre Trump et Jong-un, je crois que je crains davantage le président américain

 

Les personnalités en cause

Si les tensions entre ces deux pays ont généré autant d’attention, c’est aussi dû à la personnalité particulière des deux protagonistes — ou pongistes — de cette escalade. « On est tout à fait dans le domaine de l’inédit », estime Charles-Philippe David.

« Même en pensant aux sautes d’humeur de Nikita Khrouchtchev [impliqué dans la crise des missiles en 1962], à la fameuse théorie de Richard Nixon [«madman theory », qui s’appuyait sur l’idée de faire croire au bloc communiste qu’il était irrationnel et instable] ou à Mao qui donnait l’impression d’être un peu fou, je ne vois pas de comparaison », note le spécialiste.

« Et entre Trump et Jong-un, je crois que je crains davantage le président américain, ajoute-t-il. Quand on gère le nucléaire, ce n’est certainement pas le temps d’être intempestif et irrationnel. Et visiblement, une année de présidence n’a pas changé ce trait chez Donald Trump. »

Mais Charles-Philippe David fait remarquer « si le risque de dérapage est possible, il y a pour le moment plus d’esbroufe et de symboles que de mal réel. On est dans une diplomatie du « tweet », et heureusement, les mots ne tuent pas ».

À voir en vidéo

Consultez la suite du dossier