Les étudiants québécois n’ont pas une grande culture de la mobilité

Hélène Roulot-Ganzmann Collaboration spéciale
Chaque année, entre 900 et 1000 étudiants de l’Université Laval poursuivent leur cursus à l’étranger.
Photo: iStock Chaque année, entre 900 et 1000 étudiants de l’Université Laval poursuivent leur cursus à l’étranger.

Ce texte fait partie du cahier spécial Relève en recherche

Quelque 1500 étudiants québécois fréquentent une université française chaque année. Un nombre que le Québec comme la France aimeraient bien voir augmenter, mais certaines résistances font en sorte qu’un plafond semble être atteint. Plusieurs des acteurs de la mobilité étudiante étaient présents ces deux derniers jours aux Journées de la relève en recherche pour tenter de faire sauter les verrous.

« Chez nous, les chiffres de la mobilité internationale sont stables depuis plusieurs années, indique Nicole Lacasse, directrice des affaires internationales et de la francophonie à l’Université Laval. Ça fait vingt ans que nous proposons d’aller étudier à l’étranger et force est de constater que nous avons atteint un plafond. On voudrait que ça accélère, on multiplie le type de mobilités proposées notamment. Mais nous n’obtenons pas le succès escompté pour l’instant. »

Chaque année, entre 900 et 1000 étudiants de l’Université Laval poursuivent leur cursus à l’étranger. L’établissement a conclu des partenariats avec 500 partenaires dans 70 pays : des échanges de quelques mois pour les étudiants au baccalauréat — stages, écoles d’été — mais aussi, aux cycles supérieurs, des formations bidiplomantes et des cotutelles leur permettant de passer plusieurs semestres dans des laboratoires de recherche à l’étranger.

Erasmus

 

Le principal partenaire de mobilité de l’Université Laval demeure la France. Entre 2011 et 2016, 1150 étudiants sont partis dans un établissement français dans le cadre du programme de mobilité internationale, soit environ le quart des candidats au départ. Dans le même temps, 2300 étudiants français ont fréquenté un programme offert par l’Université Laval.

« Je ne parle pas là d’étudiants réguliers, précise Mme Lacasse, mais bien d’étudiants qui, dans le cadre de la mobilité internationale, viennent passer un semestre ou deux chez nous. »

Un partenariat privilégié assumé des deux côtés de l’Atlantique puisque, sur les 78 000 Français qui étudient à l’étranger, 12 500 se retrouvent dans une université québécoise, soit 16 % de l’effectif. Les Français représentent également 38 % de tous les étudiants étrangers présents sur le sol québécois. Pendant ce temps, 1500 étudiants québécois étudient en France, dont 1100 en mobilité longue.

« Je serais tentée de dire “seulement”, commente la consule générale de France à Québec et fervente défenseure de la mobilité internationale, Laurence Haguenauer. Mais il faut bien avouer que les étudiants québécois n’ont pas la même culture de la mobilité que les Français. Nous avons 30 ans d’Erasmus derrière nous et c’est, selon moi, l’une des grandes réussites de l’Union européenne. »

Erasmus est un programme d’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités, les grandes écoles et des établissements d’enseignement à travers l’Europe. Un programme dont la grande majorité des étudiants profitent à un moment ou à un autre de leur cursus.

« En général, les étudiants européens ne se demandent pas s’ils vont partir étudier à l’étranger, mais plutôt quand et où », précise la consule.

Valeur ajoutée

 

Les étudiants québécois n’auraient donc pas la même culture de la mobilité que leurs homologues français. Mme Haguenauer avance notamment l’idée que le territoire québécois est tellement vaste que, pour un étudiant de Sept-Îles, venir étudier à Québec peut déjà sembler être de la mobilité. Elle souligne également que le modèle d’affaires des universités, qui reçoivent des subventions en fonction du nombre d’élèves inscrits, peut faire en sorte qu’elles hésitent à laisser partir ceux-ci…

Ça ne semble cependant pas être le cas du côté de l’Université Laval. Pour expliquer ce plafond que son établissement rencontre, Nicole Lacasse évoque quant à elle à la fois une crainte de la part des étudiants et des jeunes chercheurs de ne pas pouvoir valoriser ce parcours, de manquer de ressources financières ou de ne pas retrouver leur place dans leur laboratoire à leur retour, et un manque de stratégie de la part du Canada.

« Le Québec encourage [les séjours à l’étranger] avec des bourses, indique-t-elle. Mais au niveau du fédéral, franchement, ça pourrait être largement mieux. »

Quant à savoir si ces cursus bidiplomants sont un atout dans un CV, les deux femmes en sont persuadées. Elles évoquent bien sûr les nouvelles connaissances acquises, la capacité d’adaptation également, le développement de compétences en ce qui a trait à la résolution de problèmes notamment. Mais elles insistent aussi sur les nouvelles approches, les nouvelles perspectives avec lesquelles ces étudiants sont désormais capables de composer.

« Beaucoup d’entreprises d’ici travaillent avec la France, quand elles ne sont pas tout simplement françaises, souligne Laurence Haguenauer. Les étudiants qui partent en France reviennent avec une double culture. C’est forcément un atout. »

« Il y a des bénéfices mesurables, note quant à elle Mme Lacasse. Nous n’avons pas d’études canadiennes sur le sujet, mais il est prouvé, en Europe, que les étudiants qui bougent obtiennent de meilleures moyennes à leurs examens, qu’ils ont un meilleur taux de placement et de meilleurs salaires après plusieurs années. »

Expérience enrichissante

 

De quoi sans doute réjouir Jean-Sébastien Boisvert, étudiant en post-doc à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), qui cherchera du travail d’ici quelques mois. Ce lauréat d’un des Prix de thèse en cotutelle, parrainés par le consulat général de France à Québec et le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, remis lors des Journées de la relève en recherche de l’Acfas, a réalisé son doctorat en physique sous une cotutelle de l’Université de Montréal et de celle de Perpignan, en France. Une expérience qu’il referait sans l’ombre d’un doute… même si, lorsqu’il a appris qu’il devrait quitter le Québec pour poursuivre ses études, il n’a pas sauté de joie.

« Je n’ai pas cherché à bouger, avoue-t-il. Mon doctorat était en cotutelle, je n’ai donc pas eu le choix. Sur le plan de mes recherches, ç’a été une grande chance parce que j’ai pu ainsi travailler avec des équipes qui avaient des expertises complémentaires dans mon domaine, le plasma. Deux manières différentes de travailler et d’aborder les problèmes. J’ai aussi eu l’occasion de voyager en Europe pour assister à des conférences. Mais pour ce qui est de l’organisation et de la paperasse, ç’a été très lourd et je regrette de ne pas avoir été plus soutenu par mon établissement. »

Si elle admet qu’on peut toujours faire mieux, Nicole Lacasse croit quant à elle que l’Université Laval est bien rodée de ce côté-là.

« Nous organisons des séances d’information sur la mobilité internationale, puis des formations pré-départ, indique-t-elle. Une fois sur place, l’étudiant n’est pas laissé à lui-même. Et à son retour, un suivi est fait pour “débriefer” et veiller à sa réadaptation. Nous avons également mis en place des cellules qui s’assurent de leur sécurité lorsqu’ils sont à l’étranger. Lorsqu’un événement survient, nous cherchons à savoir où ils sont. En ce moment, nous nous penchons sur les ouragans. Cet été, nous avions 15 étudiants au Burkina Faso [un attentat dans la capitale, Ouagadougou, y a fait 19 morts et 21 blessés]. Nous avons tout de suite fait le suivi. »

Réseautage

 

La France a quant à elle mis en place un opérateur, appelé Campus France, et ouvert 200 espaces et antennes dans le monde afin d’aider les étudiants étrangers à venir en France. L’un d’eux se trouve à Montréal. Tous les étudiants candidats au départ dans un établissement d’éducation supérieure en France peuvent y trouver de l’information et du soutien.

« On y présente le fonctionnement de l’université, les différentes filières, le financement, les bourses également, puisque la France en offre aux étudiants étrangers, explique Laurence Haguenauer. Puis, lorsque le projet est plus abouti, on aide les étudiants à constituer leur dossier en vue d’obtenir leur visa. Enfin, avant le départ, on organise des sessions d’information sur la vie étudiante et le quotidien en France pour qu’ils ne soient pas trop perdus à leur arrivée sur leur campus. »

Campus France se rend également dans les universités québécoises pour y tenir des séances d’information. Les Journées de la relève en recherche sont aussi une belle occasion. Une représentante de l’espace montréalais y a d’ailleurs animé un atelier, aux côtés du service des affaires internationales de l’Université Laval.

C’était l’occasion de promouvoir la mobilité étudiante et de répondre à toutes les questions. Et d’évoquer notamment l’importance du réseautage.

« Pour faire carrière tant à l’université qu’en entreprise, le réseautage est aujourd’hui primordial, souligne Nicole Lacasse. Avoir fait une partie de ses études à l’étranger, c’est s’assurer d’avoir des contacts dans le pays dans lequel vous avez étudié, mais aussi partout dans le monde, car il y avait certainement d’autres étudiants étrangers dans votre laboratoire. »

« Nous favorisons la rencontre entre les anciens élèves passés par nos espaces partout dans le monde, ajoute Mme Haguenauer. Nous permettons donc la connexion entre des personnes qui souvent accèdent à des responsabilités importantes dans leurs pays respectifs. C’est une véritable opportunité. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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