Les villes auront des pouvoirs accrus, sans plus de revenus

Devant un parterre de maires et de mairesses de l’Union des municipalités du Québec, François Legault a opposé une fin de non-recevoir aux municipalités qui réclament plus d’indépendance par rapport aux taxes foncières.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Devant un parterre de maires et de mairesses de l’Union des municipalités du Québec, François Legault a opposé une fin de non-recevoir aux municipalités qui réclament plus d’indépendance par rapport aux taxes foncières.

Le premier ministre François Legault oppose une fin de non-recevoir aux municipalités qui crient famine et qui réclament une plus grande autonomie financière pour assumer leur mandat de « gouvernement de proximité ».

Trop dépendant des taxes foncières à son goût, le monde municipal réclame depuis longtemps la possibilité de diversifier ses sources de revenus. Le premier ministre a clairement indiqué, jeudi, que son gouvernement n’entendait pas s’y attaquer tant que les budgets de Québec s’écriraient à l’encre rouge.

« Les maires savent que je suis un gars direct, donc je vais être direct. Nous aussi, on a un déficit », a commencé le premier ministre, qui prenait la parole devant un parterre de maires et de mairesses, tous réunis à Québec dans le cadre des assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ).

François Legault a suggéré que les villes peuvent encore augmenter les taxes foncières pour garnir leur budget, comparant le taux de taxation du Québec à celui de l’Ontario. « Quand […] on se compare à l’Ontario [et] avec d’autres juridictions, on n’a pas tant de foncier que ça. Puis nos taxes, nos impôts sur le revenu, [elles] sont dans le plafond. C’est des vases communicants, ces affaires-là », a avancé le premier ministre.

Il a par la suite souligné que les municipalités rémunèrent grassement leur main-d’œuvre. « Nos employés gagnent 30 % de moins que les employés qui occupent les mêmes postes dans les municipalités », a-t-il indiqué, avant d’affirmer, quelques minutes plus tard, que la clé de la santé financière des villes passait par la création d’emplois à haut salaire.

À son avis, c’est la vitalité économique des municipalités qui demeure la meilleure garante de leur santé financière. « La clé, c’est vraiment l’économie […] Notre défi, c’est de créer dans toutes les régions du Québec des emplois payants, a maintenu le premier ministre en appelant à multiplier « les emplois à 30 piasses de l’heure ».

« Ces gens-là vont dépenser dans les municipalités et c’est la croissance économique qui va faire augmenter les revenus partout. »

Un enjeu climatique

 

Plusieurs élus municipaux réclament une plus grande autonomie financière au nom de la lutte contre les changements climatiques. La dépendance aux revenus fonciers alimente l’étalement urbain, selon eux, en forçant les villes à développer de nouveaux quartiers au sacrifice de milieux naturels.

« Si on est condamné à dire aux municipalités : “votre seule façon de répondre à vos impératifs économiques, c’est d’empiéter sur votre territoire agricole ou votre territoire forestier, […] on a tous perdu », déplore le maire de Québec, Bruno Marchand.

Son homologue de Montréal, Valérie Plante, abonde dans le même sens. « Pour nous, c’est évident que les villes doivent avoir d’autres sources de revenus. Dépendre de la taxe foncière, ce n’est pas viable, ce n’est pas sain. »

À Rimouski, le maire Guy Caron avoue « ne pas comprendre » la réticence du premier ministre à accorder une meilleure santé financière. « Les municipalités sont des gouvernements de proximité, mais on n’a pas les moyens d’agir comme un gouvernement parce que Québec nous empêche d’avoir la flexibilité pour le faire », indique l’élu du Bas-Saint-Laurent, fustigeant une conception « qui date du siècle dernier » voulant que les villes soient « les créatures » du palier de pouvoir provincial.

Densification au menu

 

Le discours du premier ministre aux assises de l’UMQ avait lieu au moment où les villes, Québec en tête, fustigent les prétentions du gouvernement concernant la densification et l’étalement urbain.

François Legault a de nouveau défendu le « bitube » que son gouvernement promet de creuser sous le Saint-Laurent. « On a le droit de développer une deuxième grande métropole au Québec, a clamé le premier ministre. Oui, une partie va se faire avec la densification à Québec. Mais il va falloir mettre ces gens-là un peu partout et il va falloir s’assurer de continuer à développer Chaudière-Appalaches et continuer de développer les régions. »

M. Legault a peu parlé de densification urbaine dans son discours, se contentant de rappeler les sommes que son gouvernement a consacrées à décontaminer des terrains dans les grands centres urbains.

Pour aider les municipalités à soulager la pénurie de logements qui sévit partout au Québec, le premier ministre a promis de leur octroyer — « d’ici la fin de la session » qui se termine dans quelques semaines — un plus grand pouvoir de préemption. Les villes auront ainsi préséance sur le privé dans l’achat des terrains situés sur leur territoire.

M. Legault a sorti une autre promesse de son chapeau en s’engageant, dans un deuxième mandat, à modifier la Loi sur l’expropriation. Les municipalités déplorent l’obligation de dédommager un propriétaire exproprié en fonction de la valeur de son lot, mais aussi des profits potentiels qu’il pourrait tirer de son exploitation. En vertu des règles actuelles, la facture assumée par les villes devient rapidement salée.

Le premier ministre a aussi saisi l’occasion pour décocher quelques flèches à Bruno Marchand, qui ne rate aucune occasion de se poser en conscience verte du gouvernement en matière d’aménagement du territoire. « Dans le fond, c’était facile de travailler avec toi Régis », a-t-il lancé devant l’ancien maire Labeaume, qui était honoré par l’UMQ jeudi — et avec qui il avait eu maille concernant le tramway et le troisième lien.

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