Québec veut régler «au plus sacrant» le problème des allocations en francisation

Le ministre Jean Boulet a invité les centres de services scolaires à «bien communiquer» avec son ministère. «S’il y a des paiements rétroactifs à faire, je vais m’assurer qu’ils soient faits dans les meilleurs délais possible», a-t-il ajouté.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre Jean Boulet a invité les centres de services scolaires à «bien communiquer» avec son ministère. «S’il y a des paiements rétroactifs à faire, je vais m’assurer qu’ils soient faits dans les meilleurs délais possible», a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration suppléant, Jean Boulet, a dit jeudi matin vouloir régler « au plus sacrant » les longs délais que connaissent plusieurs nouveaux arrivants avant d’obtenir leur aide financière à la francisation.

L’opposition a aussi réagi aux révélations du Devoir sur ces étudiants qui doivent se passer durant deux mois, voire trois, d’une allocation de 200 $ par semaine donnée pour les cours de français à temps plein.

Certains immigrants disent songer à arrêter la francisation pour travailler davantage. Plusieurs enseignants et membres du personnel des centres de services scolaires et des cégeps constatent aussi ces délais de traitement des demandes d’aide financière.

Le ministère affirmait jusqu’ici ne pas avoir relevé ce problème. Le ministre Boulet ajoute ne pas avoir de noms et ne pas connaître l’ampleur du phénomène.

En Chambre, il a invité les centres de services scolaires à « bien communiquer » avec son ministère. « S’il y a des paiements rétroactifs à faire, je vais m’assurer qu’ils soient faits dans les meilleurs délais possible », a-t-il ajouté.

« Le slogan caquiste devrait dire : en prendre moins, en prendre soin, mais surtout le chèque en moins », a critiqué le député libéral Saul Polo. Faisant référence à l’augmentation des cibles d’immigration permanente en 2022, le porte-parole de l’opposition officielle en la matière a dénoncé l’attitude « attentiste » du gouvernement.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, s’est élevée contre cette attente de revenus : « Ça n’a pas de bon sens que des gens qui nous démontrent qu’ils ont choisi le Québec, qui nous démontrent qu’ils veulent s’inscrire dans la culture francophone du Québec [attendent leur allocation] », a-t-elle déclaré en point de presse.

Le montant de 200 $ par semaine représente la moitié du salaire minimum, a-t-elle souligné, ce qui fait en sorte que les étudiants sont placés dans un dilemme entre payer les factures ou étudier. « Je trouve ça assez insultant quand, après ça, on dit que c’est la faute des immigrants si on est en train de perdre le français au Québec », a ajouté la députée.

Interrogé sur la possibilité de hausser le montant de l’allocation hebdomadaire, le ministre Boulet a laissé la porte ouverte, jeudi. « On les a augmentés de façon substantielle, a-t-il soulevé. Mais je pense que ç’a eu un effet incitatif important. On va mesurer les résultats que ça donne et, si besoin en est, on pourra les augmenter [à nouveau]. »

D’après le député péquiste de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, les dossiers rapportés par Le Devoir ne sont pas rares. Il a affirmé connaître des cas semblables dans sa propre circonscription. « Ça brise le cœur », a-t-il dit.

« On ne peut pas créer de fausses attentes et des délais beaucoup trop longs, alors soyons efficaces et accueillons dignement les gens qui veulent se joindre à notre société », a-t-il poursuivi.

Les attentes du projet de loi 96

 

Dans le milieu des organismes en francisation, les inquiétudes sont plutôt tournées vers l’intention du gouvernement de François Legault d’interdire aux employés du secteur public de s’adresser dans une autre langue que le français aux immigrants arrivés depuis plus de six mois. Cette disposition est contenue dans le projet de loi 96 présentement à l’étude à l’Assemblée nationale.

Ces organismes, souvent communautaires, fonctionnent différemment des cégeps et des centres de services scolaires pour les cours de français. « Oui, il y a des défis rapportés par les organismes en francisation », reconnaît tout de même Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

Les démarches administratives que doivent effectuer les immigrants à leur arrivée prennent plusieurs mois, et s’il faut y ajouter un délai de trois mois pour avoir accès à un cours de français et à du financement, « c’est encore plus improbable » d’arriver à parler français en six mois, dit-il. La TCRI, qui représente 159 organisations, demande de retirer les articles concernés du projet de loi, se disant « grandement inquiète » que ces dispositions compromettent l’accès à des services essentiels.

Carlos Carmona, directeur du Regroupement des organismes en francisation du Québec (ROFQ), note aussi « que six mois pour apprendre le français, c’est absolument illusoire ». Le programme recommandé pour les organismes communautaires compte quatre sessions de onze semaines, « c’est déjà plus que six mois », remarque M. Carmona.

Il décrit aussi des élèves qui « arrivent avec un bagage très différent du point de vue des années de scolarité ». Le ROFQ a fait part de son opinion au gouvernement lors des consultations publiques cet automne.

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