Nathalie Roy réplique au CA du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec

Le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec a pour mission d’administrer et d’exploiter neuf écoles spécialisées en musique et en art dramatique établies dans sept villes destinées à la formation professionnelle et au perfectionnement d’interprètes et de créateurs
Photo: Francis Vachon Le Devoir Le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec a pour mission d’administrer et d’exploiter neuf écoles spécialisées en musique et en art dramatique établies dans sept villes destinées à la formation professionnelle et au perfectionnement d’interprètes et de créateurs

Après s’être vue accusée de favoriser la candidature de Maka Kotto à la tête du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec (CMADQ), la ministre de la Culture renvoie le conseil d’administration de l’organisme à ses devoirs. Nathalie Roy se dit jusqu’ici insatisfaite du processus de sélection du prochain directeur général de l’institution, au moment où celle-ci « a besoin d’une nouvelle impulsion ».

Aux yeux de la ministre, les administrateurs de l’institution de formation supérieure en arts de la scène ne lui ont toujours pas recommandé le nom de « la meilleure personne » pour en prendre les commandes. C’est pourquoi elle s’est abstenue de soumettre au Conseil des ministres l’une ou l’autre des deux candidatures qui lui ont été soumises jusqu’à présent par lui.

Nathalie Roy a demandé le 23 juin à l’ex-dirigeante du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, d’assumer les responsabilités de présidente du conseil d’administration et de « poursuivre » le processus de recrutement à l’issue duquel « la meilleure personne » sera trouvée, est-elle convaincue.

Monique F. Leroux — qui est « l’une des meilleures administratrices au pays » selon la ministre — a accepté de remplir ce mandat pour une durée de six mois, et ce, « par attachement pour son alma mater, puisqu’elle est sollicitée pour d’autres mandats », précise son attachée politique, Geneviève Gouin. La pianiste-comptable a « à cœur l’avenir du Conservatoire, dont elle est diplômée », affirme-t-elle.

« Job de bras »

Il s’agit d’une autre façon pour le gouvernement de forcer le CA à recommander la désignation de l’ex-ministre péquiste de la Culture Maka Kotto, se désolent d’ex-membres du comité de sélection ayant requis l’anonymat puisqu’ils ne sont pas autorisés à discuter publiquement du dossier. Monique F. Leroux a été appelée à la rescousse pour faire un « job de bras », un « job de nettoyage », a dit l’un d’eux au Devoir jeudi. Il en veut pour preuve la volonté de la nouvelle présidente du CA d’« arrimer les désirs du gouvernement et les profils » des candidats en lice.

L’arrivée de Monique F. Leroux fait suite à des tentatives d’« ingérence » dans le processus de sélection du prochain directeur général, selon un ancien administrateur. Le comité de sélection se serait notamment « fait forcer la main » pour revoir la pondération des critères d’embauche ou encore pour indiquer au gouvernement non seulement les deux candidats qu’il recommandait, mais aussi les trois autres qu’il avait reçus en entrevue, dont Maka Kotto. Il a aussi été informé que M. Kotto avait subi, à la demande du gouvernement, un test psychométrique, et ce, même s’il ne faisait pas partie des deux finalistes.

Refusant d’être « instrumentalisés », Louis Babin et Gaétan Saint-Laurent ont emboîté le pas à Marjolaine Viel et ont remis leur démission du CA et, par ricochet, du comité de sélection, le 5 juillet dernier. « Je l’aime bien, Maka Kotto. D’ailleurs, c’est lui qui m’a nommé au conseil d’administration [en 2014] », dit d’emblée Louis Babin dans un entretien téléphonique avec Le Devoir. Le compositeur et chef d’orchestre voit l’ancien élu du Parti québécois à la tête d’une délégation générale du Québec, mais pas derrière les commandes du CMADQ. « Ce dont on a besoin au Conservatoire, c’est un gestionnaire d’une école de haut niveau » d’expérience, ajoute-t-il. Il se désole de la « pression » exercée sur le conseil d’administration. Pour préserver sa « probité » et son « éthique », il a refusé d’y rester.

L’ancien enseignant Gaétan Saint-Laurent s’explique mal pourquoi l’État québécois dépense temps et argent dans des processus de sélection dont il a déjà déterminé l’issue. « C’est comme si tout ce que nous avions fait n’avait pas de valeur », dit-il au bout du fil. Pour protéger son « intégrité », il a lui aussi remis sa démission du CA du CMADQ le 5 juillet dernier.

Cette journée-là, Monique F. Leroux s’était présentée devant le conseil d’administration en compagnie du sous-ministre adjoint aux politiques et aux sociétés d’État, Ian Morissette. Celui-ci s’était déplacé pour « répondre aux questions et interrogations des membres du conseil relativement à la procédure de nomination à la direction générale », mentionne le cabinet de Nathalie Roy.

Le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec a pour mission d’administrer et d’exploiter neuf écoles spécialisées en musique et en art dramatique établies dans sept villes — Gatineau, Montréal, Québec, Rimouski, Saguenay, Trois-Rivières et Val-d’Or — destinées à la formation professionnelle et au perfectionnement d’interprètes et de créateurs. Cinq valeurs guident le CMADQ dans ses actions : le respect, la cohérence, la solidarité-collaboration, la création-innovation et la contribution, peut-on lire sur son site Web.

Démission au CA de BAnQ

Un des 11 membres du conseil d’administration (CA) de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Richard Dumont, a démissionné lundi dernier « à la suite de l’annonce de la nomination de la nouvelle p.-d.g. », Marie Grégoire, comme l’a confirmé au Devoir le directeur général de la Direction des bibliothèques de l’Université de Montréal. M. Dumont siégeait au CA depuis décembre 2016 et avait donc assisté au houleux processus ayant abouti à la nomination gouvernementale de Jean-Louis Roy comme p.-d.g. en 2018. M. Dumont n’a pas voulu en dire plus sur sa décision afin de respecter le « devoir de loyauté » exigé par ses anciennes fonctions. Selon BAnQ, aucune autre démission n’a eu lieu au sein du CA depuis la désignation de Marie Grégoire au poste de nouvelle dirigeante de la plus grande institution culturelle du Québec. Le choix de Mme Grégoire est grandement critiqué depuis son annonce, tout particulièrement par les milieux intellectuels, des bibliothèques et des archives.

Catherine Lalonde


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