Pour que le patrimoine vive!

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
L’île-des-Moulins, situé dans le Vieux-Terrebonne
Getty Images L’île-des-Moulins, situé dans le Vieux-Terrebonne

Ce texte fait partie du cahier spécial Municipalités

Peu de villes au Québec sont allées aussi loin que Terrebonne dans la valorisation du patrimoine. On y vient de loin pour admirer son île-des-Moulins et son quartier du Vieux-Terrebonne, qui célébrera son 350e anniversaire en 2023.

La petite ville, sur la rive nord de la rivière des Mille Îles au nord-est de Laval, prépare actuellement une politique patrimoniale et un programme de soutien pour les propriétaires des 609 immeubles patrimoniaux de son territoire, dont 129 sont jugés « de grande valeur ».

« Ça prend une contribution du public. On veut pouvoir dire aux propriétaires : “Voici ce qu’on peut faire pour vous” », explique Marc-André Plante, le maire de Terrebonne, qui participera au panel Préserver le patrimoine : en avons-nous les moyens ? lors des assises annuelles de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). « Ça fait des décennies que Terrebonne protège son patrimoine. C’est le fondement de notre identité, alors on peut difficilement ne pas être audacieux. »

La préservation du patrimoine est une responsabilité partagée entre le gouvernement, les municipalités et les propriétaires, explique Claudine Déom, professeure à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, qui sera du même panel. La responsable de l’option Conservation du patrimoine bâti en appelle à la créativité : « Comme propriétaire, j’ai refait les fenêtres de ma maison grâce au programme RénoVert, mais pourquoi pas un RénoPatrimoine ? D’autant plus que le bâtiment le plus vert, c’est celui qu’on maintient ! »

Marc-André Plante croit que les municipalités n’ont pas le choix de s’organiser. « Le gouvernement vient d’annoncer une somme record de 52 millions de dollars, mais ce n’est rien par rapport à ce qui serait requis. Les besoins sont immenses, mais pas les ressources disponibles. »

Des outils financiers

 

Les maires recherchent activement de nouveaux outils de fiscalité municipale. L’un des moyens serait une taxe spéciale pour alimenter un fonds patrimonial, comme Terrebonne l’avait fait il y a 20 ans pour ses infrastructures. Une autre solution serait de mettre à profit les outils paramunicipaux, comme les Fonds locaux d’investissement (FLI). « Pourquoi pas un “FLI-Patrimoine” pour aider les investisseurs et les promoteurs à restaurer et à entretenir les édifices patrimoniaux ? » demande Marc-André Plante, qui réfléchit également à un mécanisme de mise en commun au niveau de la Communauté métropolitaine de Montréal.

« C’est difficile quand on n’a pas d’autres outils que l’expropriation », poursuit M. Plante. Aux propriétaires qui résistent et préféreraient démolir au lieu de restaurer, le maire voudrait pouvoir proposer des outils financiers.« Même si on avait les moyens de tout exproprier, ça ne serait pas la meilleure solution. Il faut que le patrimoine vive. »

Il faut diversifier l’idée de “patrimoine”. Ce n’est pas juste de belles vieilles pierres. Bien des immeubles de cette époque sont plus intéressants qu’on le croit.

 

Claudine Déom, même si elle n’est pas fiscaliste, croit quant à elle qu’on pourrait s’inspirer des Français avec leur « Super Loto Mission Patrimoine », dont les recettes servent à la réhabilitation de lieux choisis par une collectivité. Elle explique aussi que plusieurs États américains proposent des crédits de 30 à 40 % pour la restauration patrimoniale. En contrepartie, les propriétaires doivent respecter les normes de bonnes pratiques et recourir à des artisans homologués.

Diversifier l’idée de « patrimoine »

Marc-André Plante constate que le public est nettement plus sensible à la question, mais ajoute que les programmes mis en place devront faire en sorte que les citoyens y trouvent leur compte.

Il cite le cas de l’usine Moody à Terrebonne, qu’un promoteur veut développer. Le maire cherche à y faire inclure une composante communautaire, comme des locaux pour la diffusion et la création artistique. « Dans cette logique, la restauration profiterait à la communauté. »

Claudine Déom est d’avis qu’il sera nécessaire de subventionner l’entretien plutôt que seulement la restauration. « Une façade de pierre, c’est plus difficile d’entretien qu’une façade en aluminium. Quand l’entretien est trop différé, ça finit parfois en gros travaux sinon en abandon. »

Elle fait valoir que le Québec consacre déjà des ressources qui contribuent indirectement à la protection du patrimoine, et qu’il suffirait d’une prime au patrimoine pour les orienter. Il existe déjà une multitude de programmes pour aider les OBNL, coopératives et organismes communautaires à s’installer. Or, leurs travaux touchent souvent au bâti patrimonial. Le Chantier de l’économie sociale s’est installé dans l’ancien couvent des Sœurs de la Providence, rue Fullum, à Montréal. Le théâtre Paradoxe, lui, se trouve dans une ancienne église de Ville-Émard. Et la cuisine communautaire Le Chic Resto Pop est logée dans une église construite en 1958.

Que ce dernier immeuble ne soit pas classé comme patrimonial importe peu pour Claudine Déom : « Il faut diversifier l’idée de “patrimoine”. Ce n’est pas juste de belles vieilles pierres. Bien des immeubles de cette époque sont plus intéressants qu’on le croit. » Et de toute manière, ceux-ci seront bientôt centenaires, alors autant s’en occuper tout de suite avant qu’ils ne tombent sous le pic des démolisseurs.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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