Le bénévolat à l’épreuve des multiples confinements

«Non seulement le bénévolat en ligne retire une présence et une chaleur qui est le
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir «Non seulement le bénévolat en ligne retire une présence et une chaleur qui est le "carburant vitalisant" de nombreux bénévoles, mais il peut aussi accentuer la fracture numérique et avoir un effet délétère sur le bien-être et la santé des bénévoles aînés», pensent les auteurs.

Si le bénévolat est, comme le dit la Fédération des centres d’action bénévole du Québec, « une puissante source de richesse collective », il ne faut pas oublier que certaines tendances, comme le télébénévolat, peuvent également tarir cette source au point de faire sombrer certains bénévoles dans l’épuisement et le découragement. C’est l’un des constats qui ressortent de la Semaine de l’action bénévole, moment propice s’il en est pour réfléchir aux impacts de la pandémie de COVID-19 et des multiples confinements sur nos efforts bénévoles.

Depuis le début de la pandémie et des multiples suspensions des rassemblements sur les lieux de travail, de nombreuses entreprises et de nombreux organismes ont adopté le travail à distance comme mode de fonctionnement principal. L’idée derrière cette mutation est que le télétravail permettrait à une organisation d’être plus flexible, plus efficace et plus « résiliente ». Pour les travailleuses et les travailleurs, le télétravail éviterait le stress lié au trajet pour se rendre à leurs bureaux et permettrait un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, entre autres choses. Mais tout n’est pas rose : la sédentarité, le manque d’interaction et les limites de la collaboration à distance sont décriés par certaines équipes de travail.

Ces inquiétudes s’intensifient dans le contexte du télébénévolat. En effet, toute une littérature scientifique, dans laquelle nous participons avec notre projet « Bénévolat en mouvement », présente le bénévolat comme un don de soi qui permet avant tout de socialiser et de développer des relations. Si nous avons critiqué cette vision idéalisée dans le passé, il reste que celle-ci indique bien que les bénévoles ne s’impliquent pas pour les mêmes raisons que les travailleuses et les travailleurs.

Dans leur engagement, les bénévoles recherchent bien souvent une intensification de leur vie affective ou de leurs liens sociaux. Il s’agit de pouvoir toucher les autres, mais aussi de se sentir touchés en retour.

Or, les organismes qui ont dû décréter la fin du bénévolat en présentiel durant les multiples vagues pandémiques ont fait face aux frustrations et parfois au désespoir des bénévoles, soudainement désemparés par ces nouvelles configurations. Dans son texte intitulé Le confinement d’un bénévole, petit journal de bord, Pierre Reboul écrit notamment que « ce confinement fait passer cet autre de chair et de sang, ce regard vivant, à un statut d’être imaginaire et absent. Comment vivre sans celui qui, pleinement incarné, fait de moi à tout moment son semblable ? ».

Bien sûr, notre propos ici n’est pas de souligner que les organismes ont mal joué leurs cartes, la transition vers le bénévolat en ligne a permis de faire perdurer des services essentiels. La question est plutôt celle de la continuité : alors que nous revenons peu à peu à la normale, devrions-nous préserver cette présence en ligne au nom de la flexibilité et de l’efficacité ? Dans le cas du bénévolat, tout indique que cette voie est mauvaise.

Non seulement le bénévolat en ligne retire une présence et une chaleur qui est le « carburant vitalisant » de nombreux bénévoles, mais il peut aussi accentuer la fracture numérique et avoir un effet délétère sur le bien-être et la santé des bénévoles aînés.

Alors que de plus en plus d’organismes se demandent comment mieux fidéliser leurs bénévoles, il nous semble essentiel d’inscrire ces réflexions dans les mutations sociétales des trois dernières années. Si, comme le présente la Semaine de l’action bénévole, « bénévoler change la vie », c’est avant tout parce que cette action solidaire se situe dans un réseau dense de relations sociales, notamment familiales et communautaires, qui rendent le bénévolat particulièrement significatif. Il faut le dire : la numérisation à outrance ne pourra jamais préserver la profondeur et l’épaisseur de ces relations.

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