Soutenir nos enfants, le parcours du combattant

Chaque jour, de formidables éducatrices accompagnent les tout-petits dans leur cheminement vers la maternelle et l’école de la vie. Au primaire, des enseignantes passionnées font de leur classe un espace d’apprentissage collaboratif. Ces femmes — il s’agit de femmes principalement — m’inspirent, car elles s’accrochent à leur mission malgré un réseau éducatif 0-12 ans ankylosé, avec de plus en plus d’enfants à besoins particuliers.
Selon l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, plus de 7 % des enfants sont touchés par un trouble développemental du langage (TDL), soit presque deux enfants par classe. Selon l’Association québécoise des neuropsychologues, 5 à 7 % des enfants rencontrent un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Selon l’Agence de la santé publique du Canada, la prévalence globale du trouble du spectre de l’autisme (TSA) chez les 5-17 ans est de 1 sur 66. Un enfant de la maternelle sur quatre fait face à des difficultés dans au moins un aspect de son développement (Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle 2017). Et les enfants vivant en situation de vulnérabilité sont davantage affectés.
Les milieux de la petite enfance et scolaire ne mettent malheureusement pas tout en œuvre pour aider ces enfants. L’accès à une éducation universelle et équitable, la gestion des ressources humaines et les financements sont régis par des normes rigides et des processus sans fin.
Encore aujourd’hui, certains petits n’ont pas la possibilité de se rendre dans un CPE ou un milieu de garde faute de transport pour s’y rendre. Pourquoi n’y aurait-il pas un plan de déplacement dans le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance ? Des bus, comme pour les centres de services scolaires ? Les employeurs aussi ne devraient-ils pas faire leur part, en implantant plus de garderies en milieu de travail ?
Pour obtenir l’allocation pour l’intégration d’un enfant handicapé en service de garde, il faut que l’enfant qui présente un état (langage, comportement, adaptation, mobilité) ayant des impacts sur son apprentissage soit inscrit dans un CPE ou un service de garde subventionné. Sinon, l’allocation n’est pas disponible. Et si par chance votre enfant fréquente un CPE, préparez-vous à affronter un parcours administratif qui vous demande « une attestation de la situation de l’enfant délivrée par un professionnel », soit un médecin, ergothérapeute, orthophoniste, psychologue, etc., bref, un spécialiste auquel très peu de gens ont accès en ce moment. Pour un orthophoniste, on peut attendre plus d’un an dans le public et huit mois dans le privé avant d’avoir un premier rendez-vous.
Ces barrières sont les mêmes à l’école. Vous devez fournir un rapport d’évaluation de votre enfant, sans même savoir si votre démarche portera ses fruits puisque les ressources en personnel de soutien dans les écoles sont rares. Votre enfant n’obtiendra probablement pas un accompagnement immédiat, même s’il en a — preuve en main — vraiment besoin.
Quant aux parents qui n’ont pas la chance de savoir remplir des formulaires, ceux qui travaillent sans relâche pour arrondir les fins de mois, ceux qui ont du mal à accepter que leur enfant ait besoin d’un plus grand soutien, eux, ils sont montrés du doigt au lieu d’être épaulés. Et en attendant, leur enfant n’a pas l’appui nécessaire.
Qu’est devenu l’élan de démocratisation de l’éducation, insufflé aux débuts des années 1960 par la commission Parent et dans les années 1990 par la création du réseau des CPE ? Le programme éducatif « Accueillir la petite enfance » du ministère de la Famille, le « Plan stratégique 2019-2023 » du ministère de l’Éducation ou encore « Assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité » d’ici 2030, tel qu’endossé par le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada pour répondre aux Objectifs mondiaux pour le développement durable, tous sont alléchants, mais sur le terrain, la réalité est abrupte ; on manque considérablement de moyens.
N’est-on pas capable, en 2021, de penser un réseau éducatif dans lequel tous les enfants puissent avoir accès à un développement et à un enseignement complets, c’est-à-dire qui incluent une aide quotidienne pour leur offrir toutes les chances de réussir ? Et ce, sans demander d’évaluation au préalable ! Augmentons les équipes pluridisciplinaires dans les établissements. Mettons plus d’accompagnateurs dans les groupes-classes. Créons des ponts avec le réseau communautaire et les professionnels alentour.
Heureusement, la plupart des éducateurs et éducatrices, des enseignants et enseignantes tiennent le coup. Mais pour combien de temps encore ?