L’argent, un jeu d’enfants
La fête des Mères a pris un tout autre sens pour moi en 2012. En extase dès mon réveil devant la douceur et la beauté de mon fils, j’ai alors compris qu’il s’agirait de la première fois que j’allais être tout aussi à l’honneur que ma merveilleuse maman (la meilleure !). J’ai reçu des fleurs, du vin et des cadeaux ; de quoi me faire adopter immédiatement ladite célébration ! Être maman, du moins dans ma maisonnée, c’est, depuis, répondre sans cesse à des questions. Pour toutes les mamans (et tous les parents) qui remplissent ce rôle, j’ai donc pensé vous partager quelques mots d’enfants, notés précieusement dans mon cahier. Parce que, oui, les enfants parlent parfois d’argent.
Mais que se demandent les enfants en matière de finances ?
Avant la rédaction de ma première chronique, l’an passé, j’avais sondé Téo et Éloi, alors âgés de 9 et 7 ans, sur ce qu’ils pensaient être de bonnes questions à aborder pour aider les lecteurs du Devoir. Voici ce qu’ils m’avaient spontanément demandé (ce sont leurs mots intégraux) :
— Quelle est la valeur de l’argent ? La différence de la valeur de l’argent entre les pays ?
— À quoi ça sert de conserver de l’argent et de ne pas tout le dépenser tout de suite ?
— À quoi ça sert d’avoir des comptes dans différentes banques ?
— Pourquoi les gens dépensent leur argent et ne le « collectionnent » pas ?
— Ça prend combien de temps pour rembourser une hypothèque ? Est-ce que la tienne est toute remboursée ?
Leurs questions m’ont surprise ; elles étaient beaucoup plus techniques que je ne l’aurais imaginé. En tant que professionnelle du domaine financier, je suis bien sûr bien outillée pour répondre. J’ai fait le choix de leur donner beaucoup d’informations, ce qui a bien sûr généré de nombreuses sous-questions… Par exemple, je leur ai expliqué que la valeur d’une devise dépend de plusieurs facteurs, dont l’offre et la demande pour les produits et services de notre pays, des taux d’intérêt en vigueur, de conditions économiques par rapport aux autres pays. Puisque les enfants aiment les exemples concrets, ce type d’explications pourrait être accompagné du calcul en dollars canadiens du coût d’un souper au resto dans le cadre d’un projet de voyage en Europe.
La référence au fait de « collectionner » l’argent est totalement adorable. Mes enfants ne comprennent toujours pas pourquoi nous avons un budget limité. Je leur ai expliqué alors, et je répète souvent l’importance de l’éducation financière, tant à l’école que chez les adultes, que tous n’ont pas la chance d’avoir les conseils personnalisés d’un planificateur financier. En tant que mère, je martèle sans cesse le message de ne jamais se fier aux apparences : il est tout à fait possible d’avoir l’air « riche » en étant seulement endetté et, au contraire, que les épargnants assidus ne sont pas toujours ceux qui ont les plus gros revenus (bien que ça aide, ne soyons pas naïfs non plus).
Ainsi, s’ils ont déjà hâte de travailler pour leur argent de poche, nous avons déjà souvent discuté du fait qu’ils auront à se fixer également des objectifs d’épargne pour une partie de leurs revenus.
Quelques conseils pour l’éducation financière
Ces questions prouvent aussi que peu importe leur âge, les enfants ont la capacité de s’intéresser aux finances. En tant que planificatrice financière, j’entends parfois des parents soupirer que leur progéniture dépense sans compter, ou qu’elle « coûte cher ». Cette relation à l’argent n’est pourtant pas innée ou biologique… Les enfants devraient être conscientisés à la valeur du travail et de l’épargne par leurs modèles. Alors le défi en tant que parents — un de plus, il est vrai — est de trouver l’équilibre entre parler finances avec eux, sans leur transmettre nos préoccupations financières, si c’est le cas, ou encore d’en parler trop.
Tout comme pour les discussions conjugales qui portent sur les finances, vos discussions sur le sujet avec vos enfants devraient être basées sur approche émotivement détachée. Je ne crois pas qu’il y ait d’âge minimal pour amorcer cette conversation, il faut simplement adapter le niveau langage et les exemples donnés aux réponses. L’important est de semer tôt la graine de la responsabilité financière. En voici quelques clés.
La fameuse tirelire. Elle fonctionne toujours avec les enfants. Il s’agit d’une façon très concrète de leur transmettre la gestion de l’accumulation de monnaie plutôt que de dépenser pour des biens matériels non durables ou les fameuses sucreries ! Il faut toutefois que ce geste s’accompagne à un moment donné du décompte du contenu du « trésor » et de l’ouverture d’un compte bancaire ou de placements.
Ouvrir un REEE. C’est pour vos enfants un cadeau imbattable et accessible à toutes les familles. Vous pourriez y déposer l’épargne de vos enfants et les éduquer graduellement sur la croissance de leurs placements. Vous pouvez ouvrir un REEE auquel ils ont accès et en conserver un autre plus garni dont ils ne connaîtraient pas l’existence, si vous n’êtes pas du type « jeu ouvert ».
Apprendre à dire non. La société de consommation dans laquelle nous vivons nous met énormément de pression pour nous inviter à dépenser, mais vous devez vous rappeler que dire non à une dépense ou suivre votre budget, c’est le bon exemple à donner, même si votre cœur de parent souhaite le contraire. Les enfants doivent vieillir en comprenant que certains désirs doivent être reportés.
S’informer et les informer. Les outils de littératie et d’éducation financière sont de plus en plus nombreux en ligne. Si, en tant que parents, vous savez que vos connaissances financières sont limitées, vous serez un merveilleux exemple en vous entourant de professionnels et en allant chercher des conseils. Vous pourriez par exemple suivre un cours de littératie financière en ligne, et en famille !
Traînez-les avec vous. Les enfants sont toujours les bienvenus à notre cabinet, peut-être est-ce le cas avec votre conseiller privilégié. Parler avec ouverture de vos décisions financières et de votre épargne devant vos enfants et leur présenter le budget familial (à partir d’un certain âge) ne peut qu’ancrer l’importance de discuter d’argent.
Nous reviendrons dans une chronique future sur ces conversations familiales entourant les finances. Pour la petite histoire, je n’ai pas répondu à la dernière question de mes enfants. Qu’en pensez-vous ?