L’opportunité des prêts au taux prescrit à 1%
Le printemps est la saison que j’aime le moins. Contrairement à plusieurs, elle n’évoque pas pour moi le renouveau, mais plutôt les dégâts d’eau et le retour des allergies saisonnières ! Certains pensent à la saison des sucres ; personnellement, je l’associe davantage à celle des impôts à payer… Il se peut donc fort bien que mes prochaines chroniques abordent des sujets associés à la planification fiscale !
Le 2 mars dernier, la Banque du Canada a annoncé une hausse de son taux directeur à 0,5 %. Nous savons que d’autres hausses sont attendues cette année, afin de lutter contre une inflation qui s’est installée au cours des deux dernières années et qui sera exacerbée par le conflit Russie-Ukraine. Ces hausses graduelles, selon leur fréquence, pourraient faire en sorte que 2022 représente une occasion de réaliser des prêts à un taux prescrit de 1 %.
Une stratégie pour diminuer les impôts de la famille
Nous avons déjà abordé ensemble la notion de fractionnement du revenu. Celui-ci consiste à transférer une partie du revenu, et donc du fardeau fiscal, à un conjoint ou à des membres de la famille étant imposés selon une tranche de revenu plus basse. Les règles d’attribution dans la Loi fédérale de l’impôt sur le revenu limitent certaines stratégies, puisqu’elles prévoient notamment que les revenus et les gains seront imposés à l’auteur du transfert. Par exemple, si vous prenez une partie de vos placements non enregistrés pour ouvrir un compte au nom de votre conjoint, les règles d’attribution font en sorte que, à la suite de ce don au conjoint, vous devrez tout de même être imposé personnellement sur les revenus de ce portefeuille.
La loi prévoit une exception lorsque les fonds sont prêtés, plutôt que donnés, au taux prescrit en vigueur, qui est actuellement de 1 %. Ainsi, les revenus excédant le taux prescrit sont alors imposés dans la déclaration de revenus de l’emprunteur et les règles d’attribution ne s’appliquent pas. Si vos revenus sont importants et votre taux d’imposition élevé, vous pourriez prêter une partie de votre argent à votre conjoint si son taux d’imposition est plus bas. Ce type de prêt peut également être utilisé avec une fiducie familiale afin de payer certaines dépenses de vos enfants mineurs, qui en sont les bénéficiaires.
N’attendez pas les hausses de taux
Le taux prescrit utilisé pour ce type de prêt est fixé trimestriellement par l’Agence du revenu du Canada. Il correspond grosso modo au taux des bons du Trésor de trois mois du gouvernement du Canada qui ont été vendus le premier mois du trimestre précédent. Ce taux étant arrondi, il ne peut être plus bas que 1 %. Bien que vous n’ayez pas à retenir la méthode de calcul pour le déterminer, nous pouvons ensemble poser l’hypothèse qu’avec les hausses de taux directeurs attendues cette année de la Banque du Canada, nous arriverons un jour à une hausse du taux prescrit à 2 %. Si ce n’est pas en 2022, ce sera en 2023.
Étant donné que le taux utilisé pour le prêt demeure celui qui était en vigueur au moment du prêt, les contribuables dont le revenu imposable est très élevé auraient ainsi intérêt à envisager cette stratégie avec leurs conseillers financiers et fiscaux avant que le taux prescrit ne soit fixé à 2 % par les autorités fiscales.
Deux impératifs à connaître sur cette stratégie
Si vous avez déjà utilisé le prêt à un taux prescrit dans le passé, il est important de vous rappeler que l’emprunteur doit absolument vous payer les intérêts chaque année au plus tard dans les 30 jours suivant la fin de l’année. Cette règle est obligatoire afin d’assurer le fractionnement du revenu. Il ne s’agit pas d’ajouter les intérêts au solde du prêt, mais bien d’effectuer un paiement avec preuve (chèque ou virement) à l’appui. Le fait de ne pas se soumettre à cette règle aurait pour conséquence que les règles d’attribution s’appliqueraient pour l’année du paiement oublié et toutes les années subséquentes.
Enfin, si vous avez utilisé le prêt au taux prescrit avant le troisième trimestre de 2020, le taux à utiliser est toujours de 2 %. Il faut éviter la tentation de rembourser le prêt au taux de 2 % et de refaire l’exercice au taux plus bas actuel, puisque disposer de vos placements entraînerait des conséquences financières (gain en capital imposable, commissions à payer après les rachats des
titres, etc.). De plus, le seul fait de modifier le taux prescrit pour un taux plus bas vous exposerait à l’application des règles d’attribution par les autorités fiscales.
Pour toutes ces raisons, les prochains trimestres pourraient représenter une occasion intéressante de mettre en place cette stratégie pour les ménages aux revenus imposables élevés ou dont l’écart entre les revenus est très important. N’oubliez pas que, pour réaliser celle-ci, il vous faut des conseils financiers, fiscaux et juridiques personnalisés.