Le mort-vivant

« J’existe, moi aussi », avait lancé en 1989 un Jacques Parizeau dépité, seul dans une salle de conférence de presse désertée par les journalistes las d’entendre les généralités que le chef du Parti québécois (PQ) avait pris l’habitude de leur infliger le vendredi après-midi dans l’espoir de se glisser dans les bulletins de nouvelles de fin de semaine. Les caméras avaient néanmoins capté des images qu’il aurait sans doute préféré ne pas voir au Téléjournal.

Fort d’une trentaine de députés, le PQ de l’époque doit malgré tout faire envie à celui d’aujourd’hui. Devant les militants réunis lors du congrès tenu en fin de semaine dernière, le nouveau président de l’exécutif national, Jocelyn Caron, a senti le besoin de répéter que « ce n’est pas un parti mourant », et Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) a fait de son mieux pour convaincre les militants qu’il est au contraire bien vivant, quoi qu’en disent les sondages.

À une époque où l’engagement partisan a perdu beaucoup de son attrait, il est vrai que le PQ compte encore un nombre important de membres, qui continuent à le financer généreusement. Le problème est qu’il ne semble plus avoir d’écho dans la population, de sorte qu’il donne l’impression d’être maintenu en vie de façon artificielle. Une sorte de mort-vivant.

Il faut toutefois reconnaître qu’il n’a pas cherché à se travestir, comme l’a fait le PLQ en se présentant comme un parti social-démocrate sous la direction d’une ancienne présidente de la CAQ. Il est tout à son honneur d’assumer pleinement ses convictions indépendantistes.

  

PSPP a déclaré qu’il fallait « briser l’omerta » entourant l’indépendance, qui aurait été évacuée du débat public pour cause de ringardise, alors qu’elle est sans aucun doute le projet le plus révolutionnaire qui ait jamais été proposé aux Québécois.

En réalité, c’est peut-être moins l’idée d’indépendance que l’argumentaire du PQ qui a fini par lasser. La plupart des Québécois sont plutôt d’accord avec René Lévesque, selon lequel le fédéralisme était peut-être de la « broche à foin », mais que le Canada n’était quand même pas le « goulag ».

Or, le discours péquiste demeure basé essentiellement sur le ressentiment avec Ottawa et le Canada anglais. Ce qu’on a surtout retenu du discours de PSPP à Trois-Rivières est que le gouvernement Trudeau est responsable d’un « chaos » à la frontière ayant pour résultat qu’on se tire dessus dans les rues de Montréal.

Le premier ministre Legault a vivement reproché à Gabriel Nadeau-Dubois de ne pas se soucier des empiétements d’Ottawa sur les champs de compétence du Québec. Il est clair que tout gouvernement, peu importe le parti dont il est issu, doit veiller à les faire respecter. GND n’a cependant pas tort de dire que « ces querelles ritualisées avec Ottawa font vendre de la copie, mais il est illusoire de penser qu’elles mèneront à un regain indépendantiste ».

Les indépendantistes seraient évidemment bien fous de ne pas profiter d’occasions comme le rejet de l’accord du lac Meech ou de tout incident qui pourrait provoquer la colère des Québécois, mais imputer systématiquement tout ce qui va mal à Ottawa ne convaincra pas la jeune génération de renouer avec l’indépendance. Elle ne doit pas y voir le règlement de deux siècles et demi de chicanes, auxquelles elle se sent étrangère, mais la promesse d’un avenir meilleur.

  

On a pu s’étonner qu’à dix mois des élections générales, le chef du PQ n’y fasse aucune allusion, mais il n’est pas facile pour un chef de parti de haranguer ses troupes à l’approche de la bataille sans laisser entrevoir la victoire, à défaut de la promettre. Simplement dire qu’il s’agit de sauver les meubles et rester en vie en espérant des jours meilleurs dans un avenir indéterminé n’est pas très motivant.

Le PQ s’est au moins épargné le ridicule de présenter son chef comme « le futur premier ministre du Québec ». Le PLQ n’a pas eu la même retenue, alors que les chances de Dominique Anglade ne sont guère meilleures.

Si PSPP n’a pas parlé de l’élection, c’est peut-être aussi qu’il se demande encore sur quoi il va réellement faire campagne. Soit, le PQ a remis pour la énième fois le cap sur l’indépendance, mais les élections du 3 octobre 2022 ne seront pas un référendum. Personne ne s’intéressera à la monnaie d’un Québec souverain ou à son armée. L’adversaire ne sera pas Justin Trudeau, mais François Legault.

En fin de semaine, la CAQ était manifestement dans la mire de PSPP. Les indépendantistes qui ont migré vers QS étant pratiquement irrécupérables, le PQ ne peut espérer rapatrier que ceux qui se sont tournés vers la CAQ. Ceux qui voulaient simplement chasser les libéraux vont-ils rentrer au bercail ou trouveront-ils plus avantageux pour le Québec de faire de petits progrès avec le gouvernement Legault que de prêcher dans le désert ?

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