Trudeau à Kiev pour condamner des «crimes de guerre»

«Il est clair que Vladimir Poutine est responsable de ces odieux crimes de guerre», a affirmé Justin Trudeau, lors d’une conférence de presse commune avec le président ukrainien.
Photo: Efrem Lukatsky Associated Press «Il est clair que Vladimir Poutine est responsable de ces odieux crimes de guerre», a affirmé Justin Trudeau, lors d’une conférence de presse commune avec le président ukrainien.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a condamné dimanche les « crimes de guerre » dont il a accusé son homologue russe, le président Vladimir Poutine, d’être la source lors d’une visite remarquée à Kiev, où il a alors promis de fournir plus d’aide militaire et humanitaire à l’Ukraine, où des bombardements continuent de faire des victimes.

Pendant ce temps, la communauté internationale a promis de s’attaquer au secteur énergétique russe, qui finance en partie « la machine de guerre russe », mais ses prises de position demeurent timides, de l’avis des deux experts consultés par Le Devoir.

Des paroles et des actes

 

La visite surprise de Justin Trudeau en Ukraine a été l’occasion pour le premier ministre de prendre connaissance sur le terrain de l’étendue des ravages causés par l’invasion russe dans ce pays. Le dirigeant s’est ainsi rendu à Irpin, en banlieue de Kiev, où il a été témoin « de la brutalité de la guerre illégale menée par la Russie », a-t-il dit face aux journalistes.

L’armée russe a rapidement pris le contrôle de cette ville, qui comptait 60 000 habitants avant la guerre, qu’elle a ensuite occupée tout le mois de mars. À Irpin comme à Boutcha, Kiev accuse les forces russes d’avoir commis des massacres, après la découverte de dizaines de cadavres portant des vêtements civils dans ces localités occupées puis abandonnées par l’armée russe.

« Il est clair que Vladimir Poutine est responsable de ces odieux crimes de guerre », a d’ailleurs dit M. Trudeau, lors d’une conférence de presse commune avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Il devra rendre des comptes », a-t-il ajouté, quelques instants après avoir suivi une réunion du G7 en compagnie de son homologue ukrainien.

La visite de M. Trudeau, qui était accompagné de ses ministres Mélanie Joly et Chrystia Freeland, qui a des origines ukrainiennes, a aussi été l’occasion de hisser de nouveau le drapeau du Canada à l’ambassade du pays à Kiev. Ses services diplomatiques reprendront progressivement dans les prochains jours après avoir d’abord été délocalisés à Lviv à la mi-février, puis en Pologne le jour de l’invasion russe, le 24 février. « Ce matin, j’ai été très touché de pouvoir hisser le drapeau canadien à Kiev », a déclaré M. Trudeau pendant son point de presse.

Or, cette mesure « reste plutôt symbolique qu’autre chose », estime le professeur titulaire au Département de science politique du Collège militaire royal du Canada Pierre Jolicœur, en entrevue au Devoir. Les symboles sont toutefois « importants sur la scène internationale, et c’est particulièrement important dans le contexte de la guerre en Ukraine », où la population a besoin de se sentir appuyée, analyse pour sa part le professeur au Département de science politique de l’Université de la Colombie-Britannique Allen Sens.

Photo: Oleksandr Markushyn Telegram Channel / Agence France-Presse Dimanche, le premier ministre Justin Trudeau, accompagné de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ainsi que de la vice-première ministre, Chrystia Freeland, s’est rendu à Irpin, dans la banlieue de la capitale ukrainienne, où les forces russes sont accusées d’atrocités contre les civils.

La visite de M. Trudeau en Ukraine survient d’ailleurs la veille du défilé du Jour de la victoire, qui a lieu le 9 mai en Russie. Celui-ci sera suivi de près par la communauté internationale lundi, car le président russe, Vladimir Poutine, pourrait alors dévoiler s’il entend augmenter sa mobilisation militaire en Ukraine, explique M. Jolicœur. À l’inverse, M. Poutine pourrait alors accepter que la Russie doive se contenter de miser à long terme sur certaines régions de l’est et du sud du pays, croit l’expert.

Aide militaire et humanitaire

 

Au-delà des mots, le premier ministre a aussi pris des engagements concrets, qui ont été détaillés en cours de journée, dimanche, sur le site Web du gouvernement fédéral. M. Trudeau a ainsi promis une aide militaire supplémentaire de 50 millions de dollars à l’Ukraine. Concrètement, cela représente l’envoi à l’Ukraine de 18 caméras pour drones, 15 millions de dollars en images satellitaires à haute résolution, jusqu’à 1 million de dollars en armes légères « et munitions connexes » ainsi que des munitions additionnelles pour des obusiers, peut-on lire.

Le Canada espère ainsi contribuer à aider l’Ukraine à faire face à l’invasion commandée par le régime de Vladimir Poutine. « Les atrocités qu’il commet en Ukraine ne font qu’augmenter notre détermination à nous assurer que Poutine perde cette guerre », a lancé M. Trudeau.

Une somme de 25 millions de dollars sera aussi destinée au financement du Programme alimentaire mondial, tandis que 10 autres millions de dollars iront à divers organismes qui soutiennent l’Ukraine, notamment dans ses efforts de déminage.

60 morts dans une école bombardée

 

Le président Volodymyr Zelensky a confirmé dimanche, dans une intervention en visioconférence au sommet du G7, qu’au moins 60 personnes avaient été tuées samedi dans un bombardement dans une école de la région de Louhansk. Celles-ci avaient au départ été décrites comme étant portées disparues.

« Pas plus tard qu’hier, dans le village de Bilogorivka, dans la région de Louhansk, une bombe russe a tué 60 civils », a affirmé le dirigeant ukrainien. « Ils essayaient de trouver refuge dans le bâtiment d’une école ordinaire, qui a été visée par une frappe aérienne russe », a-t-il renchéri. Cette attaque a d’ailleurs fait vivement réagir la communauté internationale dimanche, dont le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui s’est dit « horrifié » par celle-ci. La guerre, a-t-il affirmé, ne devrait jamais viser les civils ou les infrastructures publiques.

Des frappes russes ont par ailleurs retenti dimanche dans le nord du pays. Celles-ci auraient notamment frappé un cimetière juif de la ville de Hloukhiv, dans la région de Soumy, selon les autorités locales.

 

Sur une note d’espoir, l’ONU a confirmé dimanche que plus de 170 civils de Marioupol, y compris des personnes évacuées de l’usine métallurgique Azovstal, sont arrivés en soirée à Zaporijia, une grande ville du sud-est de l’Ukraine, qui est devenue un centre d’accueil pour les personnes fuyant l’invasion russe. Cela porte à plus de 600 personnes le nombre de personnes qui ont été évacuées dans ce secteur, selon l’ONU.

Avec l’Agence France-Presse

«Timides» engagements au G7

Les pays membres du Groupe des sept, qui comprend le Canada, ont promis dimanche de sanctionner le milieu énergétique russe, mais les termes utilisés sont restés vagues en raison de la dépendance énergétique d’une partie de l’Occident à l’endroit de Moscou, selon deux experts.

« Nous nous engageons à éliminer progressivement notre dépendance à l’égard de l’énergie russe notamment en réduisant progressivement ou en interdisant l’importation de pétrole russe », ont écrit les membres du G7 dans une déclaration commune. Un choix de vocabulaire qui pourrait s’expliquer par le fait que des pays européens dépendants du pétrole russe, en particulier l’Allemagne, sont membres du Groupe des sept, analyse le professeur Allen Sens. « C’est le genre de déclarations qu’on entend quand il n’y a pas eu une décision commune claire entre les pays », souligne M. Sens.

« Ça reste assez timide » comme engagement, estime également Pierre Jolicoeur. Pourtant, « acheter du pétrole russe, c’est contribuer en partie à financer la machine de guerre russe », dit M. Sens, l’économie de la Russie étant largement dépendante du secteur de l’énergie.

La Maison-Blanche a pour sa part indiqué dans un communiqué diffusé dimanche avoir imposé des restrictions d’accès aux États-Unis à 2600 responsables russes et biélorusses « en réponse à leurs efforts continus pour saper la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine ». Le pays entend aussi sanctionner de grandes banques du pays ainsi que trois grandes chaînes de télévision russes.



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