Un important campement de migrants évacué dans le nord de la France

Un campement d’environ un millier de migrants a été évacué mardi par les forces de l’ordre dans le nord de la France à Grande-Synthe, sur fond de tensions entre Paris et Londres autour de la question migratoire et de contestation du traitement réservé aux exilés sur le littoral français.
L’évacuation s’est achevée en début d’après-midi : 663 migrants ont été « mis à l’abri » et 35 passeurs présumés interpellés, selon un communiqué de la préfecture du Nord. D’autres sont partis, auront leur droit de séjour examiné ou recevront un traitement judiciaire.
Les exilés sont conduits par autobus « à l’écart du littoral », dans « des centres d’hébergement répartis dans le Nord » et « d’autres régions françaises ».
Le préfet, Georges-François Leclerc, s’était plus tôt félicité d’une évacuation menée « dans le calme ». Il a précisé que le campement, d’environ un millier de personnes, abritait « essentiellement des Irakiens, Pakistanais et Syriens ».
Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé sur Twitter le lancement de l’opération sur ce « campement illicite », installé sur une friche industrielle.
L’opération est menée à un moment de tensions entre Paris et Londres. Toutefois, selon l’entourage du ministre, elle était prévue, indépendamment de la visioconférence lundi soir entre M. Darmanin et son homologue, Priti Patel.
Dans un communiqué commun publié mardi, les deux ministres indiquent être convenus « de renforcer encore la coopération opérationnelle » pour « mettre fin aux traversées dangereuses » de la Manche.
Ils « ont discuté d’une série de mesures supplémentaires » et se sont engagés « à renforcer le partage des renseignements ».
Nouvelles évacuations bientôt
« Il faut trouver une solution pour ces gens-là d’autant que nous allons arriver en hiver. L’État les empêche de prendre la mer et de rester ici : c’est un cercle vicieux », a plaidé le cabinet du maire socialiste de Grande-Synthe, Martial Beyaert.
Le préfet du Nord a promis de nouvelles évacuations « dans les jours qui viennent » à Dunkerque, autre ville du nord de la France.
Une cinquantaine de migrants ont par ailleurs été évacués mardi à Marck et « 52 personnes » sur « d’autres sites à Calais », selon la préfecture du Pas-de-Calais.
Depuis des années, des migrants affluent sur ce littoral dans l’espoir de rallier le Royaume-Uni, avec une envolée depuis 2020 des traversées à bord de petites embarcations.
Selon Londres, 22 000 migrants avaient ainsi réussi vendredi à rallier l’Angleterre depuis janvier. Le bilan humain s’élève à trois morts et quatre disparus.
Des dizaines d’opérations de sauvetage étaient d’ailleurs en cours mardi dans le détroit, selon la préfecture maritime.
Le traitement des migrants cristallise les critiques des associations et responsables humanitaires, ainsi que d’élus.
La politique du « zéro point de fixation »
Selon un collectif d’associations (dont Médecins du monde, la Ligue des droits de l’Homme ou la Fondation Abbé Pierre), les expulsions des camps et abris informels ont bondi de 23 % en 2021, la majorité (77 %) concernant les villes du Calaisis et de Grande-Synthe (Nord).
Dans un rapport mardi, une commission d’enquête parlementaire sur les migrations a appelé l’État à renoncer à la politique du « zéro point de fixation » sur le littoral nord, au vu des conséquences « massives » sur le quotidien des migrants.
À Calais, deux militants associatifs poursuivent aussi une grève de la faim depuis le 11 octobre pour dénoncer le traitement « inhumain » des migrants et réclamer un moratoire sur les démantèlements. Ils ont annoncé une conférence de presse mercredi. Le gouvernement avait dépêché un médiateur sur place pour tenter d’apaiser la situation.
Les tensions entre Londres et Paris s’étaient ravivées vendredi, après un record la veille du nombre de traversées irrégulières, 1185 migrants ayant réussi à atteindre les côtes anglaises.
Avant de rencontrer son homologue, qui avait qualifié cette situation d’« inacceptable », M. Darmanin avait rétorqué lundi que la France n’avait « pas de leçons à recevoir des Britanniques ».
Decathlon retire ses kayaks de la vente à Calais et Grande-Synthe
Ils « peuvent servir d’embarcations pour traverser la Manche » : des kayaks, pouvant être utilisés par des migrants, ont été retirés de la vente dans les magasins Decathlon de deux villes du nord de la France, où de nombreuses personnes tentent de rejoindre la Grande-Bretagne, a indiqué l’enseigne mardi.
« L’achat de ces kayaks ne sera plus possible » dans les magasins de Calais et Grande-Synthe, « en réaction avec le contexte actuel », a déclaré le service de presse des magasins d’équipements sportifs Decathlon, confirmant une information de la presse locale.
Ces articles sont « détournés de leur usage sportif » et « peuvent servir d’embarcations pour traverser la Manche » selon l’entreprise, qui indique que « ce n’est pas la conception qui est donnée à ces produits, ni leur utilité première ».
L’enseigne spécialisée justifie ce retrait par un usage qui « pourrait mettre en danger la vie des gens qui les utilisent dans le cadre d’une traversée ».
Elle indique que la décision a été prise « au magasin » et « validée par l’entreprise ».
L’entreprise ajoute que ces kayaks restent disponibles à la vente en ligne et dans les autres magasins, et précise que « les produits qui permettent d’améliorer la sécurité en mer comme les gilets, les rames ou la protection thermique seront, eux, toujours disponibles à la vente » à Calais et Grande-Synthe.
Vendredi, trois migrants avaient été portés disparus après avoir tenté de traverser la Manche sur des kayaks pour gagner l’Angleterre, dans un contexte de nouveau record des traversées de la Manche à bord de petites embarcations. Deux kayaks avaient été trouvés à la dérive au large de Calais jeudi, et deux naufragés secourus par la gendarmerie.