Fin du vote pour la présidentielle dans un calme précaire au Honduras

Les Honduriens ont voté dimanche pour élire leur président, et les appels au calme se sont multipliés à la clôture du scrutin à 17 h (23 h GMT).
Les électeurs ont voté dans le calme, dans un pays en proie à la violence généralisée des puissants gangs de trafiquants de drogue, qui ont étendu leur corruption jusqu’au plus haut niveau de l’État.
Plus de cinq millions d’électeurs étaient appelés aux urnes, et la participation a été « massive », a déclaré le président du Conseil national électoral, Kelvin Aguirre, en annonçant la clôture du scrutin.
Xiomara Castro du parti LIBRE (gauche), épouse de l’ex-président Manuel Zelaya renversé par un coup d’État en 2009, et Nasry Asfura, dauphin du président sortant Juan Orlando Fernandez pour le Parti national (droite), sont donnés favoris.
Les observateurs ont relevé des dysfonctionnements dus notamment à des pannes techniques.
Ils ont également dénoncé des entorses à la loi électorale, notamment à l’interdiction des téléphones portables dans les bureaux de vote : « Ceux qui achètent les votes demandent une preuve : une photo du bulletin de vote », a expliqué une électrice à l’Agence France-Presse (AFP).
Les premières tendances devraient être données par le CNE vers 20 h (lundi 2 h GMT).
La menace de fraudes et de troubles plane sur le scrutin et son dépouillement, d’autant qu’au moins 31 personnes ont été tuées durant la campagne électorale.
« Ils vont tenter de provoquer le peuple. Nous savons qu’il y a du désespoir, particulièrement chez ceux qui gouvernent depuis 12 ans », a mis en garde Mme Castro après avoir voté.
Le candidat du parti au pouvoir s’est quant à lui engagé à respecter le résultat du vote, et a demandé que ne coule « pas une goutte de sang ».
Les autorités ont mobilisé 42 000 militaires et policiers pour surveiller les 5755 bureaux de vote dans le pays et parer à des troubles éventuels.
Outre leur président, les électeurs devaient choisir notamment 128 députés et 596 maires et maires adjoints.
Depuis le coup d’État de 2009 qui a renversé Manuel Zelaya, le Honduras a été dirigé par le Parti national sous la férule de Juan Orlando Hernandez, soupçonné par les États-Unis d’être impliqué dans le trafic de drogue.
« Nous avons besoin d’un changement, même si c’est douloureux. Il y a tellement de pauvres, de souffrance », a dit à l’AFP avant la grand-messe du dimanche Hermer Sorto Paz, curé du village touristique de Santa Lucia, à une dizaine de kilomètres de Tegucigalpa. « Ne votons pas pour ceux qui pendant toutes ces années n’ont fait qu’amasser de l’argent pour eux-mêmes, et ne vendons pas notre vote », a-t-il ajouté.
Sentant le vent tourner, le PN avait durci le ton de sa campagne, traitant la leader de LIBRE de « communiste » et vilipendant ses propositions de légalisation de l’avortement et du mariage homosexuel.
Le parti de droite est en outre réputé pour ne pas reculer devant la fraude pour gagner des élections.
Douteuse réélection
En 2013, M. Hernandez avait battu d’une courte tête Xiomara Castro, et avait ensuite passé outre à la Constitution pour se présenter pour un second mandat en 2017. Sa douteuse réélection sur le fil face à la star de la télévision Salvador Nasralla avait déchaîné de violentes manifestations.
De nouvelles émeutes ne feraient pas l’affaire de Washington, qui « veut éviter une répétition de [l’élection] de 2017 et une augmentation de la pression migratoire », estime Michael Shifter, président du think tank Dialogue interaméricain.
Des dizaines de milliers de Honduriens tentent de rejoindre chaque année le million de leurs compatriotes ayant fui la violence et la misère, dans leur écrasante majorité aux États-Unis.
Plus de la moitié des 10 millions d’habitants vit sous le seuil de pauvreté, que la pandémie de coronavirus n’a fait qu’accentuer.
Le chômage a presque doublé en un an, passant de 5,7 % en 2019 à 10,9 % en 2020.
Avec un taux d’homicides de 37,6 pour 100 000 habitants en 2020, le Honduras est en outre un des pays les plus dangereux au monde (hors zones de conflit).
« Que [les politiques] respectent leurs promesses », tel est le premier souhait d’Abril Moncada, étudiante en tourisme de 30 ans qui vote dans le quartier de classe moyenne du 21 de Octubre, à Tegucigalpa.
Dans le quartier de La Sosa, réputé être un fief à Tegucigalpa des maras, les bandes criminelles qui terrorisent la population, Lester Ribera, maçon de 30, assure que « si l’on ne cherche pas d’histoire, ils ne nous font rien ».
« La corruption… il y en aura, quel que soit celui qui sera élu », dit, résigné, José Zelaya, 45 ans, du même quartier.
Au cours des deux dernières années, le Parlement a dissous une commission anticorruption soutenue par l’Organisation des États américains (OEA) et adopté un nouveau Code pénal prévoyant de plus faibles peines pour corruption ou trafic de drogue.
Beaucoup de parlementaires étaient visés par les enquêtes de cette commission.
Des trafiquants de drogue détenus aux États-Unis ont mis en cause le président Hernandez, tandis que Tony Hernandez, son frère, a été condamné par un tribunal fédéral américain à la prison à vie pour son implication dans le trafic de 185 tonnes de cocaïne.