
Un remaniement pour calmer la grogne en Algérie

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a nommé dimanche un nouveau gouvernement, censé apaiser la contestation inédite à laquelle il fait face depuis plus d’un mois et dont disparaissent comme promis la plupart des piliers.
Le puissant chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, qui a récemment suggéré que le départ du pouvoir de M. Bouteflika permettrait de sortir de la crise née de la contestation, reste vice-ministre de la Défense et en 2e position dans l’ordre protocolaire, derrière le premier ministre, Noureddine Bedoui. Le portefeuille de la Défense est détenu par M. Bouteflika lui-même, commandant en chef des armées.

Par ailleurs, Ramtane Lamamra, nommé le 11 mars vice-premier ministre au côté de M. Bedoui et chef de la diplomatie algérienne, ne figure pas dans la liste. C’est Sabri Boukadoum, jusqu’ici ambassadeur d’Algérie aux Nations unies, qui hérite du portefeuille des Affaires étrangères.
Il aura fallu environ 20 jours à M. Bedoui pour constituer ce gouvernement. Les médias ont longuement fait état des difficultés du premier ministre pour former son équipe et des nombreux refus qu’il a essuyés, ni l’opposition ni la société civile ne souhaitant intégrer un gouvernement en pleine contestation populaire.
Noureddine Bedoui avait promis un gouvernement de « technocrates », puisant dans les « jeunes compétences, hommes et femmes » de l’Algérie. Or, l’équipe ne compte que cinq femmes, dont trois figuraient déjà dans l’ancien gouvernement, pour 23 hommes (y compris M. Bedoui).
Promesses
Alors que la majorité des nouveaux visages du régime sont des inconnus sur la scène politique algérienne, difficile d’apprécier le réel rajeunissement qu’a néanmoins promis le premier ministre à un pays dont la moitié de la population a moins de 30 ans et peine à se reconnaître dans ses dirigeants.
Parmi les figures connues, le nouveau ministre des Finances, Mohamed Loukal, jusqu’ici gouverneur de la Banque d’Algérie, a 68 ans. Le p.-d.g. du distributeur public d’électricité et de gaz Sonelgaz, Mohamed Arkab, 52 ans, est nommé ministre de l’Énergie.
Nouvelle venue, Meriem Merdaci, une éditrice de 35 ans, a été nommée ministre de la Culture. L’autre femme nouvellement nommée est Djamila Tamazirt, à l’Industrie et aux Mines, dont la biographie n’est pas connue dans l’immédiat.
En revanche, la promesse est tenue en ce qui concerne les technocrates, plusieurs nouveaux ministres ayant auparavant été hauts fonctionnaires dans le ministère désormais sous leur tutelle.

Noureddine Bedoui, détenteur du portefeuille jusqu’à sa nomination à la tête du gouvernement, est ainsi remplacé à l’Intérieur par Salah Eddine Dahmoune, auparavant secrétaire général du ministère.
Addelhakim Belabed, nouveau ministre de l’Éducation, occupait les mêmes fonctions dans son ministère, et son nouveau collègue de la Santé, Mohamed Miraoui, 54 ans, était jusqu’ici le directeur de la Santé à Alger.
De tous les gouvernements depuis plus de 15 ans et proche du chef de l’État, Tayeb Louh, ministre de la Justice depuis 2013, est remplacé par Slimane Brahmi, un magistrat à la longue carrière ayant notamment présidé la Cour de justice d’Alger.
Parmi les autres partants importants figure Abdelkader Messahel, ministre depuis 2013. Il avait déjà transmis, le 11 mars, son portefeuille des Affaires étrangères à Ramtane Lamamra, qui ne l’aura gardé que 20 jours.
Sont également partants Nouria Benghabrit, ministre de l’Éducation depuis 2014, et Mohamed Aïssa, ministre des Affaires religieuses et des Wakfs (biens religieux) depuis 2014 et remplacé par Youcef Belmehdi.
Outre MM. Bedoui et Gaïd Salah, ne restent de l’ancienne équipe que Tayeb Zitouni (Moudjahidine — les anciens combattants), Houda Imane Feraoun (Poste et Télécommunications), Ghania Eddalia (Famille et Condition féminine), Said Djellab (Commerce), Abdelkader Benmessaoud (Tourisme et Artisanat), Fatma Zohra Zerouati (Environnement).
Dimanche soir, une centaine de personnes ont commencé à manifester dans le centre d’Alger après l’annonce du gouvernement, en scandant « les marches [de protestation] ne vont pas s’arrêter ».