Mentor toxique

Nathan Adler, 19 ans, rêve d’être écrivain : « Écrire pour moi était une torture. » Peu après avoir mis la main sur un manuscrit intitulé Dans la solitude du terminal 3 dans des circonstances nébuleuses ayant mené à la disparition d’Adam Benson, avec qui il partage quelques points communs, le jeune homme anxieux fait la connaissance de la fatale Margot Bujold.
Peu après, cette dernière lui présente la petite bande évoluant autour de l’écrivain Antoine Dulys qui deviendra son mentor. Dès lors s’ensuivent nuits de beuverie et d’orgie au cours desquelles Nathan, qui croque des médicaments comme des bonbons, perd pied avec la réalité. Qui est donc cet Adam Benson ? A-t-il seulement existé ? Et qui donc a écrit ce manuscrit permettant à Nathan d’évoluer dans un monde parallèle où il renoue avec sa défunte mère dépressive ? « Que s’était-il passé ? La nuit précédente était un trou noir. Une terrible angoisse m’a pris à la gorge et jeté dans un profond désespoir. »
De délires hallucinatoires en cauchemars récurrents, Éric Mathieu (Les suicidés d’Eau-Claire, Le Goupil) entraîne le lecteur dans la psyché d’un narrateur faillible hanté par des épisodes traumatiques de son enfance et manipulé par des êtres aussi toxiques que tordus. Fidèle à lui-même, le romancier s’en donne à cœur joie lorsque vient le temps de décrire les effluves fétides émanant des lieux insalubres, les relents de fluides corporels des lendemains de veille, ainsi que les teints fanés et les chairs flétries par trop d’excès et de nuits blanches.
Campé dans les années 1980, décennie anxiogène à souhait, dans le Montréal nocturne et l’Ottawa parallèle, Dans la solitude du terminal 3 emprunte sans complexe autant à Franz Kafka, William S. Burroughs et Hubert Aquin qu’à Maya Deren, David Cronenberg et David Lynch.
Un riche programme pour quiconque aimant les sombres univers oniriques et les ambiances glauques propres à susciter la paranoïa.
Or, derrière tous les écrans de fumée, toutes les fausses pistes et ruptures de tons abruptes qu’il multiplie jusqu’à risquer de lasser le lecteur, Éric Mathieu esquisse avec lucidité le portrait d’une jeunesse qui se cherche.