La Gaspésie frappée par l’érosion des côtes

La jetée de Percé a été détruite par des tempêtes historiques l’automne et l’hiver derniers. Sa reconstruction coûtera quelque 20 millions, fournis en grande partie par Québec.
Photo: Thierry Haroun Le Devoir La jetée de Percé a été détruite par des tempêtes historiques l’automne et l’hiver derniers. Sa reconstruction coûtera quelque 20 millions, fournis en grande partie par Québec.

Le problème de l’érosion des côtes s’est invité dans la campagne électorale en Gaspésie, alors que les candidats abordent la question de manière prudente tant elle est complexe. Zoom sur une péninsule qui se trouve aux premières loges des changements climatiques.

« Ce qui est important, c’est de s’assurer que les infrastructures et les résidences soient en sécurité », lance la candidate à la mairie de Percé, Cathy Poirier, bien consciente de l’enjeu climatique qui pèse sur son village à court et à long terme.

Cela dit, après avoir constaté, lors de son passage cet été à Percé, les dégâts causés par les tempêtes historiques de l’automne et de l’hiver derniers, le scientifique David Suzuki a déclaré ceci dans nos pages en parlant des changements climatiques : « Vous devrez faire avec. Et lorsque les grands pans de glace du Groenland et de l’Arctique vont fondre, vous allez voir une hausse importante du niveau de la mer, en mètres. Les tempêtes seront de plus en plus fortes, et ce sont les régions comme la Gaspésie qui vont s’en ressentir le plus. »

Percé en sait quelque chose. Son centre-ville a été éventré l’hiver dernier par des marées et des tempêtes jamais vues, laissant derrière elles émoi et désolation : infrastructures municipales en lambeaux et des bâtiments et restaurants ravagés.

La situation était à ce point sérieuse que le gouvernement a tout pris en charge, alors qu’au printemps dernier des bâtiments situés en bord de mer ont été déplacés.

Par ailleurs, un projet de réhabilitation du bord de mer du mythique village sur 900 mètres est en cours : démolition de l’ancien mur de protection, recharge de plage (quelque 7000 voyages de camion de galets d’ici la fin de novembre), construction d’une nouvelle promenade et d’autres aménagements paysagers pourraient coûter au bout du compte environ 20 millions, fournis en grande partie par Québec, une fois le réaménagement achevé, l’été prochain.

Bref, de quoi faire jaser en pleine campagne électorale municipale. D’autant que ces tempêtes ont balayé toute la pointe de la Gaspésie, dont Gaspé et Chandler, de même que le nord de la péninsule, alors que le village de La Martre a été coupé du monde pendant quelques jours l’hiver dernier. Des pans de la route 132 avaient été emportés.

La science à la rescousse

« Écoutez, on a eu deux épisodes majeurs les 16 et 30 décembre. La Martre s’est retrouvée enclavée pendant quatre jours. La mer ne gèle plus, les vagues arrivent de plein fouet ! » rappelle le préfet sortant de la Haute-Gaspésie, Allen Cormier.

Ce dernier s’engage à prendre ce dossier à bras-le-corps pour trouver des solutions à long terme en collaboration avec Québec et l’UQAR, par l’entremise de la Chaire de recherche en géoscience côtière, qui s’est vu confier par le ministère de l’Environnement un projet de recherche (3,5 millions) sur la vulnérabilité et la résilience côtière de l’Est-du-Québec.

« C’est un très gros problème », lance la préfète sortante de la MRC Rocher-Percé, Nadia Minassian. « On n’est plus dans la lutte contre les changements climatiques, on parle de résilience côtière. On doit s’adapter. Il n’est pas vrai non plus qu’on va relocaliser tout ce qu’il y a le long du littoral, il faut toutefois éviter de nouvelles constructions [en bord de mer] », recommande-t-elle.

« Chose certaine, nous devons agir désormais en amont plutôt que d’être sur le mode réactif, comme ç’a été trop souvent le cas par le passé », philosophe de son côté le maire sortant de Gaspé, Daniel Côté, avant d’ajouter : « Écoutez, c’est rendu qu’on a des marées d’hiver parce que la mer ne gèle plus. Par conséquent, les terrains perdent de la valeur, etc. »

« Nous aussi on a perdu des terrains le long de nos côtes l’hiver dernier ! Parfois, on ne sait plus à qui se donner. C’est un dossier complexe pour les municipalités. Nous travaillons de concert avec la Sécurité civile, qui fait un excellent travail, mais ils ont peu de personnel pour autant de demandes d’aide », rappelle la mairesse sortante de Chandler, Louisette Langlois.

Dans la baie des Chaleurs

 

Si la baie des Chaleurs a été moins touchée par les dernières grandes tempêtes, des politiciens prennent acte de la situation.

À Bonaventure, le maire sortant, Roch Audet, signale que « nous avons une bande terrestre qui a été fragilisée. Ça gruge les terrains. On est bien conscients de l’enjeu et il faudra nous adapter ».

Même son de cloche pour sa concurrente et directrice du Conseil régional de l’environnement Gaspésie–Les-Îles, Caroline Duchesne, qui mise sur la sensibilisation auprès des populations concernées et sur la prévention.

« Le travail a commencé et je compte poursuivre en ce sens si je suis élue mairesse. »
 

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