À quand la reprise des voyages internationaux?
À l’heure où la vaccination contre la COVID-19 s’accélère dans le monde et où de nombreux pays entament le déconfinement de leur population, la reprise du tourisme international, elle, devra encore attendre, avertissent les experts consultés par Le Devoir.
« On peut être optimistes quand on regarde le pourcentage de population vaccinée au Québec et au Canada, mais ce n’est pas un indicateur en matière de tourisme international », affirme d’emblée Paul Arseneault, expert en tourisme et professeur au Département de marketing de l’UQAM.
De fait, même si le Canada et les États-Unis sont parmi les pays ayant le plus haut taux de population vaccinée dans le monde, la frontière terrestre est toujours fermée. Aucune date de réouverture n’a encore été fixée, et ce, même si plus de la moitié des Canadiens et des Américains ont déjà reçu une première dose de vaccin.
« Non seulement la frontière américaine n’est pas ouverte, mais les frontières interprovinciales ne le sont pas non plus. Il est toujours techniquement impossible pour les Québécois d’aller en Ontario. Et avec le premier ministre ontarien qui annonce que l’école est suspendue [pour le reste de l’année scolaire], on comprend qu’on n’est pas sortis de l’auberge », note M. Arseneault.
Immunité des pays d’accueil
Même si la vaccination ne justifie pas la reprise touristique à elle seule, elle permettra à plusieurs globe-trotteurs de se rendre à l’étranger. Des pays ont déjà annoncé des assouplissements aux restrictions sanitaires aux voyageurs fournissant une preuve de vaccination. Mais encore faut-il que les citoyens des pays d’accueil soient tout aussi protégés.
« Il y a la vaccination des voyageurs, oui, mais il y a aussi la vaccination des communautés d’accueil, c’est là le défi », indique pour sa part Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
Quelles sont les restrictions de voyage dans le monde?
Consultez notre carte interactive.Selon les données de Our World in Data consultées par Le Devoir, à peine un peu plus de 11 % de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin. On dénombre également 93 pays où moins de 10 % de la population a reçu une première dose, taux qui les rend particulièrement vulnérables.
« On a vu la problématique des variants alors qu’on était techniquement en confinement, où la circulation était minimale. Si on revient à un rythme accéléré, on peut être inquiets à la suite de ce développement de variants. C’est un des éléments qui incitent les gouvernements à redoubler de prudence », explique M. Vachon.
Capacité de vol
Les iniquités de vaccination ne sont pas le seul enjeu pour la reprise du tourisme : même si tous les pays du monde rouvraient leurs frontières demain, les voyages y seraient toujours aussi limités, faute d’avions en circulation.
« La capacité opérationnelle des transporteurs comme Air Canada, Air Transat, WestJet ou Porter est ridiculement basse [en ce moment]. On ne va pas où on veut quand on veut, et les transporteurs sont obligés de publier leurs horaires de vols trimestriels », souligne Paul Arseneault.
« Il y a quelques semaines, on estimait qu’Air Canada était à moins de 20 % de sa capacité opérationnelle de 2019, avant la pandémie. On ne passe pas de 20 % à 100 % en quelques semaines, c’est impossible. La demande doit être là et, avant même la demande, il faut soumettre ses horaires [de vols]. Tout ça va être très lent », ajoute-t-il.
Ces enjeux de planification et de disponibilité sont des facteurs importants qui limitent la reprise du tourisme, note également Marc-Antoine Vachon. « C’est un système qui est très séquentiel. Relancer la machine au complet demande que des décisions soient prises et soient certaines, donc des décisions sanitaires qui ne peuvent plus bouger », croit-il.
Tourisme de revanche
Malgré le fait qu’elle sera graduelle, l’offre saura-t-elle suivre la demande des voyageurs, qui, pour plusieurs, n’auront pas voyagé depuis près de deux ans ? Si certains experts prévoient un phénomène de « revenge tourism », un terme pour décrire la croissance de la demande de tourisme et de voyages après les fermetures qui ont suivi la pandémie, Paul Arseneault ne s’attend pas à une telle explosion de la demande.
« Les gens parlent du revenge travel en se disant qu’ils ont été privés [de pouvoir voyager], mais je pense qu’il va y avoir un principe de réalité. D’une part, il y a l’épargne des ménages et l’immobilier qui est devenu préoccupant pour une portion de la population, qui n’est donc pas la plus apte à voyager à l’international sur une base continue », note-t-il.
Pour sa part, Marc-Antoine Vachon est persuadé que le tourisme international reprendra là où il s’est arrêté. « En Europe, les destinations les plus recherchées sur Expedia, ce sont les grands centres urbains et les paysages côtiers. On est assurément en train de revenir à ce qu’on avait auparavant, c’est juste qu’il va y avoir un certain cycle à absorber et une certaine sécurité sanitaire pour retrouver les niveaux d’avant. Alors oui, ça va encore prendre 4 ou 5 ans, mais à long terme, je suis quand même optimiste pour mes enfants », conclut-il.