Clara Luciani, à sa hauteur

Heureuse et lumineuse. À elle la scène, à elle la piste de danse. «Je pense que, dans cette situation de pandémie, je me sentais démunie, et que l’album «Cœur» a été ma façon de me rendre utile. À moi-même et aux autres.»
Photo: Guillaume Souvant Agence France-Presse Heureuse et lumineuse. À elle la scène, à elle la piste de danse. «Je pense que, dans cette situation de pandémie, je me sentais démunie, et que l’album «Cœur» a été ma façon de me rendre utile. À moi-même et aux autres.»

Son « bonjour ! » retentit dans l’écouteur comme une victoire. Avec un petit v, à ne pas confondre avec ses deux Victoires grand V, celles de la consécration de février dernier, à la soirée des Victoires de la musique dans le grand studio de Boulogne-Billancourt (la Seine musicale de Paris, rien de moins). Artiste féminine de l’année. Album de l’année pour Cœur. Et performance éblouissante d’Où sont les femmes ?, le tube disco de Patrick Jouvet, qui trouvait sa réponse parfaite : elles sont au sommet, les femmes de la chanson française. Juliette Armanet, Barbara Pravi, et elle. Clara. Clara grande comme Dalida. Clara et ses six danseurs, on aurait dit un bras d’honneur à feu Cloclo, le temps enfin venu de Clara et ses Clarettes !

Elle pouffe, amusée, à l’évocation du p’tit Claude François qui se voulait tant géant et de l’hymne du regretté Patrick Juvet, dûment revendiqué et réapproprié. « C’est vrai que nous avons eu la part belle dans cette soirée. On rayonnait toutes ! J’ai adoré ce numéro et cette chanson qui, oui, prenait un nouveau sens ! » La chanson n’était pas au programme des plus récents spectacles de la tournée lancée en octobre dernier, mais il lui arrive d’oser du Donna Summer (C’est l’amour, I Feel Love en français). On imagine d’ici l’un et l’autre de ses MTelus consécutifs (les 14 et 15 juin), extase collective d’affamés de joie pas rassasiés depuis trop longtemps.

Quand l’appétit revient, tout va bien

Les mots résonnent. Écho transatlantique. « Affamés de joie ! C’est vraiment ça. C’est une jolie expression, je pense que je vous la piquerai ! » Joie partagée, buffet complet. « C’est vrai pour nous, sur scène, autant que pour tout le monde, on est vraiment affamés de joie. Quand on a commencé cette tournée, on avait été deux ans sans jouer, il y avait une communion presque religieuse avec le public. Quelque chose de tellement fort, tellement intense, moi j’avais très peur d’avoir oublié comment me conduire sur scène, et il est vrai que les gens ne savaient plus trop non plus comment se comporter entre eux, mais au bout de deux chansons, l’appétit était revenu. Un très grand appétit. »

« J’ai envie de dire : on a vécu un moment historique. Un retour à la vie, célébré ensemble. C’était très fort, et je pense qu’à Montréal, ce sera très fort aussi… » Clara Luciani à Montréal, c’était en 2018, en première partie d’Eddy de Pretto au même MTelus. Sainte-Victoire, son premier album (après un premier EP), était encore tout neuf et elle avait déjà au répertoire une petite bombe pour plancher de danse, La grenade, et elle nous berçait avec Eddy (la chanson, pas le Pretto). Elle n’était pas encore tout à fait à l’aise, autant dans son corps que dans la place à tenir sur scène. Le jeu de guitare, la note à tenir, c’était déjà très bien, mais pas encore assuré. C’est de ça qu’elle parle dans J’sais pas plaire : « J’sais pas faire aussi bien que les copines / Dans les bars qui se dandinent. »

Courageuse et incertaine. Sa relative maladresse la rendait attachante, pas de souci dans la petite foule grandissante de ses fans, mais c’était manifestement le reliquat d’années de croissance pour le moins vertigineuses : « Adolescente, et même avant, je me sentais hors du jeu de la séduction, trop grande, trop vite, anormale. Je dépassais ma prof, j’avais pas encore 12 ans, vous vous rendez compte ? J’ai mis du temps à comprendre que ça pouvait être tourné à mon avantage. Oser me montrer sur scène, ça a été tout un pas pour moi. Les gens m’ont aimée, ouf, j’ai enfin pu être moi, et même accentuer ma grandeur. Célébrer qui je suis. En spectacle, maintenant, je pense que je suis à ma hauteur. »

Se rendre utile

 

Heureuse et lumineuse. À elle la scène, à elle la piste de danse. « Je pense que, dans cette situation de pandémie, je me sentais démunie, et que l’album Cœur a été ma façon de me rendre utile. À moi-même et aux autres. Mon but, ça a été fournir 45 minutes pour se sentir mieux. Pour se reprendre en main. » Ainsi, les histoires d’amour qui finissent mal sont moins des défaites (comme il y en avait sur le premier album, plus sombre) que des décisions. Quand on a décidé de son propre sort, on peut danser, espérer. Respirer encore : c’est le titre fort du disque et, se dit-on, du spectacle. « Elle ne veut pas s’asseoir / Ça a trop duré / L’immobilité forcée / Ce soir la vie va recommencer », chante-t-elle de son beau timbre grave entre deux refrains en falsetto.

« L’art a toujours été mon refuge, et c’est là que je me suis trouvée. C’est peut-être pourquoi je suis tant influencée par les films de Jacques Demy, Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort, le côté fable enchantée. C’est ce que j’ai essayé de faire, créer une parenthèse enchantée. » Un enchantement qui se transporte, c’est la meilleure sorte. Clara Luciani, Juliette Armanet (en spectacle extérieur), Barbara Pravi s’amènent ainsi en trio de choc, séparément et ensemble à la fois. Où sont les femmes ? En tête d’affiche, aux Francos. « La grande » Clara Luciani, comme disait le photographe Jean-Marie Périer à propos de sa Françoise Hardy des années yé-yé, inspiration avouée de la victorieuse chanteuse, en est presque extatique au bout du fil. « Aller vous retrouver, traverser l’océan, ça aussi, c’est se sentir revivre ! »

Clara Luciani

Au MTelus les 14 et 15 juin ; Luis Clavis en première partie le 14, Hansom Éli le 15, à 21 h.

À voir en vidéo