Et si c'était «1969»?

S’offrir une immersion créative en 1969, l’année de l’explosion de tous les genres dans le monde du rock et de la chanson populaire, ça vous tente ? Ont embarqué sans se faire prier dans la machine à voyager dans le temps imaginée par Connor Seidel les artistes suivants : Ariane Moffatt, Safia Nolin, Elliot Maginot, Louis-Jean Cormier, Philippe Brault, Claudia Bouvette, Half Moon Run, les Soeurs Boulay, Jason Bajada, Matt Holubowski, Elisapie. Questions à l’instigateur.
Pourquoi 1969, plutôt que 1967 ou 1972, grandes années tout autant ?
Au début du projet, je pensais capturer l’esprit général de la musicalité de la fin des années 1960 et du début des années 1970. En tant qu’anglophone, mon exposition à la musique québécoise était assez minime jusqu’à ce que je rencontre les Sœurs Boulay ; elles m’ont montré nombre d’albums de cette période. Ma fascination a commencé à grandir au fur et à mesure que j’en apprenais plus sur l’histoire du Québec — en particulier sur l’année 1969 — , et il m’a semblé que le tournant de la décennie semblait capturer quelque chose de bien spécifique.
Les possibilités d’inspiration sont infinies. Par où passer ?
Musicalement, pour moi, la première source d’inspiration pour 1969 a été l’album Five Leaves Left de Nick Drake. Le projet avançait, et de plus en plus, les artistes partageaient des albums significatifs pour eux. Les notes de pochette des disques indiquaient toujours « enregistré en 1969 ». Joni Mitchell, Monique Leyrac, Neil Diamond…
Au milieu du projet, je suis tombé sur un album de Mary Hopkin intitulé Postcard — ma grand-mère m’a dit que c’était le disque préféré de mon grand-père —, également sorti en 1969, et c’est à ce moment-là que le choix de l’année est devenu indéniable pour moi.
On pense habituellement à 1969 comme étant une année foisonnante, éclatée.
Ce qui m’a particulièrement fasciné, c’est le mouvement folk, plus discret et plus doux : une collision entre des auteurs-compositeurs folk simples et des arrangements de jazz complexes. J’ai trouvé qu’il y avait un fil conducteur d’artistes — nés dans la génération silencieuse — qui n’étaient pas tout à fait définis comme le mouvement principal, mais qui étaient néanmoins pertinents. À mes yeux, notre hommage à 1969 ne consiste pas à capturer l’essence entière de l’année, mais en fait à mettre en lumière une toute petite niche de celle-ci.
Avez-vous plongé dans les techniques d’enregistrementde l’époque ?
Travailler avec l’ingénieur son Ghyslain-Luc Lavigne a été une telle bénédiction ! C’était son idée de s’assurer que nous utilisions les microphones appropriés et la mienne de me concentrer sur l’écriture des chansons, la musicalité et les arrangements. Il a suggéré non seulement d’utiliser le même microphone à ruban pour chaque artiste du projet, mais aussi de n’utiliser pratiquement aucune compression ou EQ pendant l’enregistrement et le mixage. L’album est très léger et non compressé, comme beaucoup de disques à l’époque.
Comment éviter le pastiche ?
Je pense que l’idée de cet album n’était pas d’imiter ou de copier l’époque, mais plutôt d’en tirer une influence subtile. Cela commence par l’écriture des chansons ; le simple fait de présenter le contexte à chaque artiste leur a permis de penser en dehors des formats musicaux typiques de la radio et du streaming, de penser à des harmonies complexes, à des changements de tempo audacieux, et de ne pas se soucier de la limite de temps de trois minutes si souvent imposée. Ceci, combiné avec quelques éléments d’arrangements qui lient toutes les chansons, a permis aux artistes d’être toujours eux-mêmes, mais de se pencher subtilement sur l’influence. En fin de compte, ce projet a été réalisé par et pour nous : je ne me suis donc jamais demandé si nous allions être trop proches ou trop éloignés, je voulais juste sourire en le faisant.