Les musiciens de retour dans le métro

Persona non grata dans les couloirs du métro de Montréal depuis le début de la pandémie, les musiciens ont été autorisés à y faire leur grand retour lundi. S’ils ont vite retrouvé le plaisir d’y jouer, les temps s’annoncent difficiles pour leur portefeuille, bon nombre de travailleurs n’ayant pas repris le chemin du bureau.
« Ça fait du bien de retrouver un public, même pressé. Je suis content de ne plus juste jouer pour moi », lance Genady Zimerman, sagement assis sur son petit tabouret dans un couloir de la station Berri-UQAM.
Le saxophoniste a perdu subitement sa scène des vingt dernières années lorsque la pandémie a frappé en mars 2020. Devant la flambée de cas de COVID-19, la Société de transport de Montréal (STM) a décidé de mettre temporairement fin aux prestations de musiciens. Ce n’est que lundi que ces derniers ont pu de nouveau jouer et chanter leurs chansons préférées dans les couloirs souterrains.
« Ça a été un coup dur. C’était un appoint important pour arrondir mes fins de mois de retraité, confie M. Zimerman. C’était aussi difficile de ne plus pouvoir jouer de mon saxophone devant des gens. »
« J’espère que je ne suis pas trop rouillé », ajoute-t-il, un petit sourire en coin, avant de retourner à son instrument. Les premières notes de la chanson Hallelujah, de Leonard Cohen, se sont alors fait entendre, accrochant au passage l’attention de plusieurs passants. Genady Zimerman n’a visiblement pas perdu la main.
Comme lui, plusieurs musiciens se sont empressés de réserver leur place dans le métro montréalais lundi. Un nouveau système a d’ailleurs été mis en place par la STM afin de faciliter leur retour. Fini les inscriptions sur un bout de papier dissimulé à chaque emplacement désigné par le symbole d’une lyre. Les artistes doivent désormais réserver en ligne leur plage horaire et leur emplacement.
Pour le moment, seuls cinq des cinquante endroits désignés ont été ouverts lundi, soit trois à la station Berri-UQAM, un à Guy-Concordia et un autre à Jean-Talon. « Si tout se passe bien, on va continuer d’ouvrir graduellement d’autres emplacements dans les prochaines semaines », assure Philippe Déry, porte-parole de la STM.

En ce premier jour, quelque 60 musiciens avaient déjà créé leur compte pour réserver leur place. « Presque toutes les plages horaires sont réservées pour aujourd’hui, et 70 % le sont pour le reste de la semaine. On sent que l’engouement est vraiment présent, les musiciens sont contents », poursuit M. Déry.
Contents ? Pour Daniel Lalonde, le mot est faible pour décrire toute la joie qu’il ressent de pouvoir de nouveau gratter sa guitare bien au chaud au moment où l’hiver s’installe. « Je suis heureux, soulagé, excité. Tout ça en même temps », confie le chansonnier rencontré à un autre emplacement de la station Berri-UQAM, juste devant la sortie menant à la rue Sainte-Catherine.
Le musicien en a d’ailleurs profitélundi pour présenter quelques nouvelles chansons écrites durant la pandémie. Sa prestation a attiré quelques curieux, encourageant même un passant à danser joyeusement autour de lui.

Celui qui est aussi président du Regroupement des musiciens du métro et de la rue de Montréal se dit toutefois inquiet pour son portefeuille devant le lent retour des Montréalais dans les transports en commun. « En deux heures ce matin, j’ai dû m’en sortir avec 14 dollars. Ce n’est vraiment pas beaucoup. Je faisais peut-être le double avant la pandémie. Surtout qu’on doit payer le métro pour venir ici », souligne-t-il.
José Lamartine, qui jouait de la guitare au métro Guy-Concordia en début d’après-midi, a aussi remarqué que sa prestation lui a rapporté moins qu’avant la pandémie. « Au lieu de faire un arrêt dans une journée, on va devoir en faire deux ou trois différents pour espérer avoir le même montant », avance celui qui a justement réservé deux plages horaires différentes dans la même journée pour multiplier ses gains.
En deux heures, j’ai dû m’en sortir avec 14 dollars. Ce n’est vraiment pas beaucoup. Je faisais peut-être le double avant la pandémie.
À la STM, on se veut rassurant. « Le retour des télétravailleurs se fait de manière progressive. On est présentement à 54 % de l’achalandage prépandémique, alors qu’on était à seulement 45 % cet été. La croissance est lente, mais soutenue », soutient M. Déry.
Daniel Lalonde ne baisse donc pas les bras et garde espoir de voir les Montréalais regagner leurs bureaux et être plus nombreux dans le réseau de transport collectif. « Les Québécois sont nombreux à être vaccinés, la vie reprend petit à petit depuis quelques mois. J’espère juste qu’on va continuer sur cette belle lancée et que le nouveau variant [Omicron] ne va pas encore changer tous nos plans. »