Mouvement de révolte dans l’industrie de la musique

Plusieurs artistes connus montent aux barricades sur les réseaux sociaux contre l’aspect mercantile de l’industrie québécoise de la musique, inspirés par le chanteur Philémon Cimon, qui a pris le crachoir contre son distributeur le mois dernier et qui s’attaque de front cette fois-ci à son ancienne maison de disques.

L’auteur-compositeur-interprète s’est insurgé mardi sur sa page Instagram de devoir encore rembourser les sommes investies par Audiogram pour la production de son album L’été, alors que cette même maison de disques touche chaque année des profits importants pour cet opus lancé en 2014.

« C’est légal ce qu’ils font, parce que c’était dans le contrat, mais ce n’est pas humain. […] J’ai décidé de prendre la parole pour moi, car c’est sûr que j’aimerais avoir plus d’argent, mais je fais surtout ça pour les artistes de la relève », a-t-il affirmé mercredi en entrevue au Devoir, ravi d’avoir suscité un mouvement de révolte en ligne.

Vague de mécontentement

 

Stéphanie Boulay, l’une des deux Sœurs Boulay, est parmi les premières à avoir pris le flambeau, écrivant sur les réseaux sociaux que « les labels ont trop de pouvoir sur les artistes », avant de plaider pour que les maisons de disques reprennent « leur position supposée, celle de soutien aux artistes, qui fabriquent la matière première ». Plusieurs autres ont également témoigné leur appui envers Philémon Cimon, notamment la députée de Québec solidaire Catherine Dorion.

Touché par cette vague, le chanteur n’en demeure pas moins gonflé à bloc contre son ancienne étiquette. Et pour cause : sept ans après la parution de L’été, il n’a toujours rien encaissé des revenus tirés de la vente de CD et de vinyles, ou encore des écoutes en ligne.

Son contrat avec Audiogram, signé en 2010, stipulait qu’il pourrait commencer à toucher ces montants lorsque la maison de disques aurait empoché l’entièreté de ce qu’elle avait investi pour la production de l’album.

Or, entre 2010 et 2014, les ventes de disques ont chuté de manière vertigineuse. Donc à moins de céder les droits de l’une des pièces de l’album à un film ou à une grande entreprise pour de la publicité, Audiogram n’aura jamais de retour sur son investissement, et Philémon Cimon ne pourra donc rien percevoir des ventes de disques.

Droits voisins

 

« Audiogram persiste et signe à ne pas changer les modalités du contrat, mais moi, je pense que ça n’a aucun sens, clame Philémon Cimon. L’industrie a changé et c’est du vol. Ce n’est plus avec les ventes de disques qu’on se rembourse, mais avec les droits voisins. »

Marginaux au moment de la signature du contrat, les droits voisins sont aujourd’hui l’une des principales sources de revenus des artistes, et par le fait même des maisons de disques. Ils comprennent essentiellement les redevances prévues pour la diffusion de chansons sur la radio satellite. Depuis 2014, environ la moitié des droits voisins pour l’album L’Été a été versée à Audiogram. Une somme importante qui devrait amplement suffire à la maison de disques pour considérer qu’elle est rentrée dans son argent avec l’album, selon Philémon Cimon.

Or, les droits voisins n’étaient même pas pris en compte dans le contrat comme possible moyen de rembourser les frais de production. « Il y a des façons de faire des labels qui n’ont plus lieu d’être. L’industrie a changé, mais il y a une résistance au changement de leur part. Ils tirent profit des anciennes règles, et ce n’est pas propre à une seule maison de disques », poursuit David Bussières, fondateur du Regroupement des artisans de la musique.

L’industrie a changé, mais il y a une résistance au changement de leur part. Ils tirent profit des anciennes règles, et ce n’est pas propre à une seule maison de disques.

 

Selon lui, les maisons de disques ont tort de pénaliser les artistes pendant des années, le temps de renflouer leur investissement sur la production des albums. D’autant que les montants octroyés aux artistes pour la réalisation de leur projet proviennent en partie des subventions, soutient David Bussières.

De quoi faire bondir Philippe Archambault, directeur général d’Audiogram, aussi président de l’ADISQ. « On a besoin de cet argent-là, car on prend des risques. Les subventions, ça ne représente que 16 % de notre industrie », se défend-il, en rappelant que les artistes profitent eux aussi des profits inespérés provenant des droits voisins.

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