La Marca: intéressant, mais en dents de scie

Le violoncelliste Christian-Pierre La Marca avait la redoutable tâche de succéder à Yo-Yo Ma dans les Suites de Bach, dans le cadre du festival consacré à ce compositeur. Nous nous souvenons de cette soirée exceptionnelle des six Suites jouées d'un seul souffle dans une Maison symphonique plongée dans la pénombre.
Le violoncelliste français, qui oeuvre également au sein du catalogue Sony (c’est leur seul point commun), a choisi par bonheur une voie très différente : deux Suites seulement, associées à une partition contemporaine en première partie et à des compositions de violoncellistes virtuoses en seconde.
Deux Suites de Bach dissemblables
L’idée de jumeler Bach et des créations a été cultivée par Jean-Guihen Queyras lors d'un cycle demeuré fameux, réalisé il y a quelques années à la Cité de la musique à Paris. Il avait passé des commandes, mais Cantus I (2005) de Thierry Escaich n’en faisait pas partie.
La partition de ce remarquable compositeur français, créée par Romain Garioud, juxtapose plusieurs sections à visées très diverses. Celle explorant les modes d’émission sonore et le segment final, très intensément rythmique, sont particulièrement impressionnants. Christian-Pierre La Marca y séduit les auditeurs par son engagement.
La 3e Suite de Bach, qui ouvrait le concert, était moins indiscutable. Le son de Christian-Pierre La Marca se range dans la catégorie des « plutôt ligneux », face au moelleux de Yo-Yo Ma. On dirait de la « musique sur instruments anciens », du genre qui demanderait de ne pas attendre de perfection formelle (quelques grincements étant gage de supposée authenticité). De petites sonorités rétives parsèment ainsi la ligne musicale. Pour finir de nous aiguiser les nerfs, Christian-Pierre La Marca se met à taper la mesure du pied droit, notamment dans les deux derniers mouvements. Bref, cela part assez mal.
Aussi la très haute tenue de la 5e Suite n'en surprend que davantage. Ayant entendu dans Escaich la variété sonore dont La Marca est capable, on comprend que l'austérité est un choix. La rectitude sonore sèche résulte d'un vibrato minimal, voire inexistant. Mais cette fois, contrairement à la 3e Suite, la qualité instrumentale est suprême, la Sarabande et la 2e Gavotte sont carrément sublimes. Gavottes et Gigue voient hélas le violoncelliste renouer avec sa marotte du tapage de pied.
On créditera Christian-Pierre La Marca de la superbe idée d'encadrer le Chant des oiseaux de Pau Casals d'une imitation de sonorités aviaires en ouverture et en fin d'oeuvre. Quant à la Suite de Gaspar Cassado, elle prolonge la veine hispanique et nous fait redécouvrir une composition assez rare, mais non essentielle.
Le parcours général du concert est au final assez disparate. On en retient l'inventivité d'Escaich, la tenue de la 5e Suite de Bach et la poésie de Casals.