Place à la polyvalence à l’École nationale de danse du Canada

Un tout nouvel établissement d’enseignement professionnel de la danse va bientôt ouvrir ses portes. L’École nationale de danse du Canada (ENDC) intégrera dès septembre prochain une quarantaine d’aspirants professionnels pour leur enseigner la danse contemporaine, mais aussi le ballet, le jazz, les danses commerciales, les styles de rue et les fondamentaux de la gestion de carrière artistique. Une nouvelle option pour le milieu de la danse.
« Beaucoup d’artistes du milieu de la danse nous disent “enfin !” depuis l’annonce officielle », confie Sonia Clarke, une des cofondatrices de l’École. C’est au début de la pandémie que l’interprète, qui a travaillé longtemps en Europe, a décidé de se lancer. « Ça fait des années que j’y pense, mais je n’étais jamais rendue au parfait moment », explique-t-elle. Elle a alors profité de la crise sanitaire pour reprendre ses études en gestion des arts et de la culture.
Au fil de sa carrière, qui l’a amenée à se former en ballet ainsi qu’à être chorégraphe et interprète dans le milieu contemporain, mais aussi danseuse dans des projets pour des entreprises, Sonia Clarke s’est rendu compte de l’importance de la polyvalence dans le milieu de la danse. « On a de beaux programmes à Montréal, pour le ballet, pour le contemporain, mais si tu veux faire autre chose et devenir professionnel, tu vas où ? On voulait donner une troisième option. » En effet, selon elle, il existe des écoles professionnelles offrant un programme polyvalent tant en danse contemporaine qu’en jazz ou en danses de rue à Toronto, à Vancouver, mais pas à Montréal.
« Pendant mon parcours, j’ai souvent côtoyé les mêmes artistes, dans des domaines vraiment diversifiés. On pouvait vivre de notre art grâce à notre polyvalence. Ça nous a sauvés », exprime celle qui a terminé sa formation à l’école Pierre-Laporte en 1989. L’ENDC donnera donc aux jeunes danseurs une formation complète afin qu’ils soient « vraiment bons dans leur spécialité, mais qu’ils soient aussi capables de faire trois ou quatre autres choses bien ».
Il faudra être âgé de 17 à 25 ans pour intégrer cette formation qui aspire, dans les prochaines années, à être reconnue comme une attestation d’études collégiales (AEC). « Pour l’instant, le gouvernement n’est pas à l’aise. On est nouveaux, il veut qu’on fasse nos preuves, c’est normal. En attendant, on est une école privée, mais on a fait en sorte d’avoir un prix raisonnable. Si tu divises le nombre d’heures par le prix total, ça coûte moins de 8 $ l’heure. Aucun cours de danse n’existe à ce prix-là à Montréal », poursuit-elle.
Une quarantaine d’élèves pourra prendre place en septembre prochain dans les locaux de l’ENDC, partagés avec le Studio de danse Imperium. « On veut vraiment connaître chaque élève, les encadrer comme il se doit. S’il y a un manque ou un besoin, on sera là pour eux. On veut qu’une fois sortis de l’école, ils aient toutes les clefs et se soient sentis soutenus tout au long de leur processus », souligne Sonia Clarke.
Une équipe, une vision
Pour bâtir son projet, Sonia Clarke s’est entourée de Lisa-Marie Villeneuve (professeure aux Grands Ballets canadiens) et des deux directrices du Studio de danse Imperium, Christine Langston et Véronique Sévigny-Leclerc. Ensemble, elles ont construit un programme de trois ans qui englobe notamment les aspects pratiques de la vie d’artiste.
« Dans notre cours de gestion de carrière, on explique comment faire un CV, comment garder une photo de présentation valable, comment gérer son image à travers les réseaux sociaux ou encore comment faire une bonne audition en vidéo », précise la cofondatrice de l’ENDC. Des cours d’anatomie, de pratiques somatiques ou encore de biomécanique compléteront aussi le programme. « On va leur apprendre à prendre soin de leur corps, mais aussi à se remettre d’une blessure. »
L’équipe de l’École a fait une étude de marché auprès de danseurs actuels et d’anciens danseurs pour connaître ce qui, selon eux, avait manqué dans leur formation professionnelle. « On a intégré toutes ces choses-là, parce que ce n’est pas évident de tout apprendre sur le tas. Parfois, on perd des occasions à cause de méconnaissances », soutient Sonia Clarke.
Côté technique, l’enseignement est, comme prévu, très varié. Du travail de partenariat à la danse commerciale en passant par les diverses danses de rue, le jazz, le ballet et enfin le contemporain, les futurs professionnels développeront plusieurs cordes à leur arc durant les trois années de formation. Ils suivront aussi des cours de théâtre physique et de percussions corporelles. « C’est une chose d’entendre la musique, mais il faut la comprendre, développer son sens de l’écoute et de compréhension des espaces entre les notes », ajoute Mme Clarke.
L’ensemble des cours sont donnés par des professionnels du milieu, qui travaillent en télé (comme à l’émission Les dieux de la danse) ou dans de grandes compagnies (Le Cirque du Soleil) ou encore qui sont reconnus dans le milieu indépendant, comme Nedge « Black Kat » Valmé, pionnière du waacking à Montréal. « On espère attirer des jeunes qui font de la compétition, qui ont un très bon niveau technique, mais aussi les danseurs de rue. Il n’y a aucun programme qui s’adresse directement à eux en ce moment. On espère leur donner cet espace. »
En plus des danseurs de rue, l’ENDC prévoit d’accueillir des étudiants ayant des handicaps physiques. Dans son conseil d’administration, l’École compte d’ailleurs sur Luca « Lazylegz » Patuelli, fameux spécialiste du breakdance sur béquilles. « Ces gens-là n’ont jamais eu la chance d’intégrer des écoles. On veut être cette chance », affirme la cofondatrice.
Depuis son lancement public, le 4 avril dernier, l’ENDC suscite un réel engouement dans la communauté de la danse, selon Sonia Clarke. « Les gens nous posent beaucoup de questions, et certains jeunes veulent déjà savoir comment procéder pour les auditions, etc. C’est bon signe ! »