«Malditos», ou la réalité de la scène encapsulée

Où tracer la ligne entre la vie quotidienne et la performance scénique ? Comment s’illustre un personnage théâtral dans sa propre vie ? Ce sont les questions que pose le long métrage Malditos, des réalisateurs Angel Esteban et Elena Goatelli. Tiré d’une œuvre théâtrale inspirée du film On achève bien les chevaux de Sydney Pollack, ce docu-spectacle, pièce de résistance du Festival international du film sur l’art (FIFA), suit des artistes de théâtre et de danse de Madrid dans un marathon de danse, mais aussi dans leur quotidien.
C’est un peu par hasard que le couple s’est lancé dans ce projet d’envergure. Initialement, on lui avait demandé de suivre une compagnie en tournée, avec plus de 80 spectacles prévus en trois ans. La danse-marathon est vite devenue un lieu de survie, des espaces de joie apparente qui cachaient aussi le désespoir d’une crise. « Ce qui peut se passer à la suite d’un épuisement physique est imprévisible. On abandonne alors le masque, des choses internes se dévoilent », raconte Angel. Le contexte tiré des années 1930 du film de Pollack résonne en écho. « On a encore besoin de briller, d’être visibles, de se faire connaître pour avoir une place dans la vie, pour se faire donner une job ou un rôle. »
Peu importe si c’est réel ou non, tant que les émotions le sont, on y croit et on ressent quelque chose. C’est ça qui compte.
Le début du projet coïncidera avec le déménagement du couple en Italie. « Pour ne pas perdre le contact, on a demandé aux artistes de se filmer dans leur quotidien », explique Angel. Après avoir visionné les vidéos, écouté les témoignages et été témoins de moments intimes des artistes, Angel et Elena n’ont eu d’autre choix que de les intégrer au film. « Certains ont réagi avec beaucoup d’enthousiasme et ont vraiment vu le potentiel artistique derrière la démarche. D’autres ont eu peur de dévoiler une partie de leur vie intime », raconte Elena.
Documenter son quotidien et prendre le temps de se confier à la caméra auront été pour certains « une véritable thérapie ». « Il y en a qui en ont profité pour passer des messages, qui ont voulu aller encore plus loin que le film, raconte Angel. […] Ce sont des acteurs dans la vie, ils ont l’habitude d’avoir un texte à dire, de savoir de quelle façon ils doivent le dire. C’était la liberté totale pour eux, mais aussi un gros risque pour nous. Ça aurait pu être un désastre. » Des centaines d’heures de vidéos ont été récoltées.
Plonger dans la création
Avec cette démarche, les réalisateurs ont voulu documenter comment l’œuvre influence concrètement le quotidien de l’artiste. Qui plus est quand il s’agit d’une œuvre aussi majeure que celle de Pollack. Entre images de spectacles et vidéos personnelles, Malditos plonge le spectateur dans un semblant de téléréalité. « On se rend compte finalement qu’un artiste, même s’il interprète des sensations sur scène, utilise ses propres émotions, donc c’est toujours lui qui émerge quelque part », explique Angel. La frontière entre la réalité et la fiction devient quasi imperceptible. « Peu importe si c’est réel ou non, tant que les émotions le sont, on y croit et on ressent quelque chose. C’est ça qui compte », ajoute Elena.
Et ces sensations, le duo de réalisateurs espère les faire vivre aux spectateurs. « Ça ne laisse pas indifférent. Tu ne ressors pas de là avec de la joie, mais plutôt avec des questionnements sur ta propre vie. Est-ce que tes choix te mènent là où tu as vraiment envie d’être ? » dit le réalisateur. D’après Elena, Malditos rend carrément « inconfortable ». « Je pense que c’est le genre de film où on se sent différent après l’avoir vu. Ça laisse une trace, en tout cas on l’espère. »
De leur côté aussi, les émotions ont été multiples durant ce long processus de tournage. Il aura fallu près de trois ans pour tout boucler. Bien qu’il n’ait jamais voulu abandonner le projet, le couple a parfois douté. « Les mois sont vite devenus des années. C’était très exigeant physiquement et mentalement », confie Elena. Pour Angel, la difficulté s’est aussi fait ressentir dans l’exigence d’un produit fini.
« On ne savait pas quand arrêter. On pourrait travailler à l’infini avec tout le matériel qu’on a ! » dit le réalisateur, encore tout étonné. Une chose est cependant certaine pour les deux cinéastes. Le projet Malditos marque un véritable tournant dans leur vie personnelle. D’après Elena, « il y aura un avant et un après.
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