Place au FUDGE, le festival de danse dédié aux jeunes

Après deux ans d’annulation, FUDGE, le Festival universel de danse géniale pour enfants, va enfin prendre vie. À Sherbrooke, du 6 au 12 juin, FUDGE promet non seulement des spectacles, d’ici et d’ailleurs, mais aussi des ateliers et une journée pour les professionnels.
« Je pense à faire un festival international jeune public depuis 1996, mais à ce moment-là, la compagnie n’était pas encore assez solide pour se lancer dans une telle aventure », confie Francine Châteauvert, directrice artistique du festival et de la compagnie Sursaut depuis près de 35 ans. « Après de longues années de pratique artistique et de multiples rencontres avec les jeunes, cette idée s’est transformée en une volonté concrète de créer un événement pour mettre en valeur la spécificité de la danse jeune public et pour donner de la visibilité à cette discipline. »
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Ce texte fait partie de la série L'été des festivalsIl était primordial pour Mme Châteauvert que cette idée se concrétise à Sherbrooke. « C’est important qu’il existe des festivals internationaux en dehors des grands centres. FUDGE, c’est la confirmation que la création en danse jeune public est très vivanteet a sa place sur le territoire… » explique-t-elle. En plus de Sursaut, qui y est présente depuis 1985, Sherbrooke accueille plusieurs autres organismes jeune public, dont Le Petit Théâtre de Sherbrooke ou encore Côté scène, diffuseur jeune public de danse et de théâtre. De plus, un lieu de diffusion jeunesse devrait aussi voir le jour en 2023.
Véhiculer des messages
Au programme de cette première édition, FUDGE propose cinq spectacles, dont deux venant de l’étranger. C’est le cas de Novembre, de la chorégraphe espagnole Roser López Espinosa. Depuis 2015, elle travaille pour le jeune public, une démarche « naturelle » dans son parcours professionnel, qui a débuté il y a près de 15 ans. « La création pour enfants est vraiment venue à moi. Certaines de mes pièces, que je créais pour le grand public, plaisaient beaucoup aux jeunes. Ils s’y identifiaient très rapidement », se rappelle l’artiste de Barcelone. Pour FUDGE, elle présente donc sa pièce Novembre, dans laquelle elle diffuse plusieurs valeurs « qui lui sont chères ». « Ça parle de l’amour du jeu, du fait d’être ensemble, de savoir collaborer, s’entraider et avoir du plaisir en groupe, explique-t-elle. De plus, il était important pour moi de montrer que les hommes et les femmes peuvent jouer les mêmes rôles. »
Morgane Le Tiec, qui a repris la direction artistique de Sursaut en janvier dernier, s’implique aussi dans le festival, mais à titre d’interprète. Une grande première pour l’artiste, arrivée il y a 10 ans au Québec pour danser avec les Ballets jazz de Montréal. « En tant qu’interprète, je trouve qu’il n’y a pas de différence entre performer dans un spectacle pour enfants ou pour adultes. J’entre dans le monde d’un chorégraphe, dans un personnage, et je me questionne sur ce qu’il faut transmettre comme histoire, comme message, à travers mes mouvements », explique-t-elle.
On la retrouvera notamment dans Mellemrum, création in situ imaginée par la chorégraphe danoise Kitt Johnson. Un guide fait voyager les spectateurs dans sept lieux différents, où sept performances sont livrées. « Kitt [Johnson] explore vraiment le territoire, la topographie du lieu, les gens qui y vivent, etc. À partir de cela, on se laisse inspirer », poursuit Mme Le Tiec. Pour ce processus, deux intervenants abénaquis sont venus parler aux interprètes pour leur faire connaître leur culture et le passé de ces divers lieux.
Morgane Le Tiec dansera aussi dans la pièce d’Idan Cohen, Let the Games Begin !, où elle incarnera une artiste, peintre et sculptrice, qui crée des poupées pour se sentir moins seule. « C’est une belle histoire pour les enfants, mais aussi pour les adultes. C’est touchant », dit-elle.
« Pas de recette secrète »
Pour Francine Châteauvert, quelques éléments techniques « basiques » aident à la création d’un spectacle jeune public. Par exemple, il faut éviter de dépasser 50 minutes de représentation ou encore de faire des interruptions trop longues. « C’est sûr qu’ils ont un temps d’attention plus limité », confirme-t-elle.
Pour Mme López Espinosa, l’aspect circassien et acrobatique de son travail attire le public jeunesse et lui permet « de rester attentif ». « J’aime travailler avec la fluidité, le travail au sol et les chorégraphies assez complexes, dit-elle. Ça permet un résultat dynamique, excitant, et les jeunes aiment ça ! »
Cependant, en ce qui concerne la création comme telle, il n’existe pas de recette secrète pour créer un spectacle jeune public, selon la directrice artistique du festival. Avec la compagnie Sursaut, avec qui elle parcourt le Canada depuis ses débuts et le monde depuis plus de 10 ans, elle s’est aperçue qu’il n’y a pas d’unanimité dans la danse, ni dans l’art en général. « Avec le jeune public, on voudrait que les pièces soient aimées par tous. Mais ça ne l’est jamais. Même chose pour les spectacles pour adultes ! Un spectacle ne peut pas être apprécié de tous, c’est impossible. Chacun a sa sensibilité », explique-t-elle.
« Les enfants sont très honnêtes et clairs dans leur façon de penser, estime quant à elle Roser Lopez Espinosa. Quand je pense à une création pour enfants, je me questionne surtout sur la logique de la pièce. Celle-ci doit être forte, cohérente, comme pour les relations entre les personnages. » La chorégraphe confie aussi qu’elle utilise beaucoup d’humour dans ses pièces lorsqu’elle s’adresse aux plus jeunes. « C’est un outil fantastique, un véhicule très efficace pour comprendre des choses, et ça fait toujours du bien de rire ! » dit-elle.
Depuis toutes ces années, Francine Châteauvert a tout de même compris que la proximité avec les enfants était la clé de son travail. « Il faut que ce soit accessible, mais sans tomber dans la facilité. Il ne faut pas prendre les enfants pour des bébés lala, il faut honorer leur intelligence. Ils peuvent prendre de l’abstrait, du poétique. Ils sont très capables d’aller là, au-delà d’une narration classique », ajoute-t-elle. Même constat du côté de Mme Le Tiec, qui apprend peu à peu à prendre le relais de Mme Châteauvert. « On peut apprécier la danse sans vraiment la comprendre. Et les enfants, tout comme les adultes d’ailleurs, vont assimiler un spectacle à leur propre manière », raconte-t-elle.
Pour Mme Châteauvert, le fait de « garder une âme d’enfant » permet aussi de créer pour les plus jeunes. « On fait beaucoup d’ateliers avec les jeunes pour stimuler leur créativité, et les choses qu’ils créent sont vraiment inspirantes », affirme-t-elle. Pour les prochaines créations de Sursaut, c’est Morgane Le Tiec qui sera à la barre. Elle s’inspire beaucoup de son imaginaire et du surréalisme. « Je trouve ça l’fun de pouvoir explorer des idées plus farfelues, plus extravagantes ! » L’artiste prévoit de dévoiler sa première pièce pour Sursaut en tant que nouvelle directrice artistique à l’automne 2023.
Selon Francine Châteauvert, la danse apporte « une autre dimension » aux jeunes. « Les enfants dansent, bougent, sont dans leur corps, conclut-elle. La danse, ça apporte une proximité avec eux, avec leur monde, ça consolide ce qu’ils sont. »
Le Festival universel de danse géniale pour enfants se déroule à Sherbrooke du 6 au 12 juin.