Une antenne à plus de 80 millions pour le Centre PHI dans le Vieux-Montréal

Le nouveau lieu de création  et de diffusion, baptisé Phi  Contemporain, s’ajoutera  au Centre Phi existant dans l’arrondissement historique  depuis une  décennie.
Marie-France Coallier Le Devoir Le nouveau lieu de création et de diffusion, baptisé Phi Contemporain, s’ajoutera au Centre Phi existant dans l’arrondissement historique depuis une décennie.

Un nouveau grand espace culturel de la Fondation Phi pour l’art contemporain est en développement dans le Vieux-Montréal. Le soutien financier au projet remis par Québec et par Ottawa, dépassant les 26,6 millions de dollars sur un budget de construction évalué à plus de 47 millions, sera annoncé vendredi à Montréal. L’ensemble du complexe axé sur le numérique et l’immersif est budgété à plus de 80 millions.

Un concours international d’architecture déjà très avancé déterminera la firme gagnante à la mi-juillet. Le nouveau lieu de création et de diffusion, baptisé Phi Contemporain, s’ajoutera au Centre Phi existant dans l’arrondissement historique depuis une décennie.

Le Devoir a aussi appris qu’il s’agissait pour le moment du seul projet immobilier culturel de Montréal financé par le Programme Aide au développement des infrastructures culturelles (PADIC). Les appels d’offres ont été lancés en septembre 2020. Le volet québécois dispose d’une enveloppe de 100 millions versés en parts égales par Québec et Ottawa.

Les sept autres projets sélectionnés jusqu’à maintenant dans ce cadre bilatéral se trouvent tous en région et tous dans des circonscriptions caquistes, dont cinq représentées par des ministres. Trois-Rivières, la première ville soutenue, recevra 20 millions de dollars pour moderniser la salle J.-Antonio-Thompson, selon un plan de 36 millions. Belœil obtiendra 10,9 millions pour son espace culturel Aurèle-Dubois. Les cinq autres infrastructures culturelles soutenues sont des bibliothèques à construire ou à rénover à Prévost, à Mont-Laurier, à L’Ancienne-Lorette, à Saint-André-Avellin et à Saint-Ferréol-les-Neiges.

Le ministère de la Culture et des Communications (MCC) assure que les apparences de faveur faite aux villes des circonscriptions caquistes s’avèrent « le fruit du hasard ». Étienne Lévesque, responsable des infrastructures au cabinet du MCC, demande aux observateurs de patienter et d’attendre la fin du PADIC avant de conclure. Il ajoute que le projet Phi Contemporain est un coup de cœur de la ministre Nathalie Roy.

Il reste environ le tiers des cent millions de dollars à distribuer. Des projets sont en analyse au MCC, qui reste « responsable de la mise en place » du programme.

« Oui, effectivement, certains pourraient tirer ces conclusions-là [d’apparence de favoritisme], mais quand je vois l’ensemble des demandes déposées et la liste des projets retenus, en analyse ou refusés, j’observe tous les cas de figure, dit M. Lévesque. C’est-à-dire que des projets refusés étaient dans des comtés CAQ, des projets en analyse sont en comté CAQ, et d’autres ont été recommandés. À sa face même, il n’y a pas eu de planification pour recommander des projets dans un comté CAQ. Ça peut peut-être avoir l’air naïf, mais c’est effectivement le fruit du hasard et le fruit des demandes déposées. »

Le directeur des communications du ministère, Maxime Roy, renchérit en citant les critères de sélection du programme portant sur la pertinence (retombées culturelles, développement durable, etc.) et la faisabilité.

Cas d’exception

Infrastructure Canada, qui a lancé le PADIC, ne majore jamais les subventions, même lors de déficits ultérieurs. Le ministère a donc pris la décision dès le lancement du programme de ne subventionner que des projets soutenus par les municipalités ou des gouvernements des Premières Nations ou inuits qui ont assez de moyens pour éponger les dépassements de coûts éventuels.

 

« La ministre a été sollicitée pour des majorations avant et pendant la pandémie, dit M. Lévesque. Inutile de dire qu’en plus, il y a eu une inflation surdimensionnée des coûts qui surprend tout le monde. Ça frappe fort. »

Normalement, au Québec, le PADIC exclut les propositions portées par un organisme à but non lucratif (OBNL), alors que la Colombie-Britannique les accepte. Une exception a été accordée au projet Phi parce que l’OBNL en question est soutenu par la mécène Phoebe Greenberg, femme d’affaires aux grands moyens financiers qui a lancé DHC/ART en 2007 et qui porte cette fondation pour l’art contemporain depuis.

Le pôle Phi a été créé en 2012 et occupe déjà deux espaces de diffusion dans le Vieux-Montréal. En plus, Phi Contemporain ne demandera pas d’aide au fonctionnement et financera seul ses activités futures.

Par contraste, la volonté de relocalisation de l’École supérieure de ballet du Québec dans l’église Saint-Denis, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, n’a pu se qualifier au PADIC précisément parce qu’elle est portée par un OBNL. De plus, requalifier du patrimoine religieux monumental coûte une fortune, et vient immanquablement avec des surprises engendrant des dépassements de coûts.

« Je trouve ça insultant que la ministre exclue les OBNL du programme, comme l’école de ballet, parce qu’elles n’ont pas d’argent », dit la députée de Québec solidaire Ruba Ghazal, qui représente Mercier à l’Assemblée nationale, circonscription où se trouvent cette institution d’enseignement et l’église. « Ce programme ne doit pas être géré comme une banque, mais pour servir la culture. »

La députée se prononce aussi sur la faveur actuelle aux projets en zone caquiste. « Si l’École supérieure de ballet n’était pas dans un comté solidaire, mais caquiste, aurait-elle fait une exception ? demande Mme Ghazal. La ministre devrait avoir des critères de rayonnement de notre culture plutôt que des objectifs électoralistes. »

L’école de ballet porte le nom « du Québec », mais n’a pas un statut équivalent aux conservatoires de théâtre et de musique. Elle ne relève donc pas directement du MCC, même si elle est subventionnée pour certaines activités.

Dernière ligne droite

 

Le site du Vieux-Montréal de Phi Contemporain sera reconfiguré à la suite d’un concours international d’architecture déjà en branle qui arrivera à terme cet été. Le centre de diffusion multimédia occupera un nouvel espace de près de 7000 mètres carrés qui comprend quatre bâtiments historiques et un terrain inoccupé. Le lot à transformer se trouve à l’intersection des rues Bonsecours et Saint-Paul Est.

Le concours arrive à sa dernière étape. Le comité a reçu 65 candidatures de 14 pays à l’automne 2021. Sur les onze sélectionnées par le jury d’artistes, d’architectes et de professeurs d’université, cinq firmes de Londres, de Copenhague, de Paris, de Berlin (associée avec une autre de Montréal) et de Bruxelles ont passé la deuxième étape, terminée il y a deux semaines.

Deux candidates progresseront à l’avant-dernier stade. La lauréate sera annoncée le 15 juillet prochain.

La Fondation Phi a refusé de nous accorder une entrevue dans le cadre de la rédaction de cet article, préférant réserver ses déclarations pour la conférence de presse de vendredi avec les gouvernements.

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