Le monde d'après | Qu’est-ce qui va changer en culture et en tourisme?

La pandémie de COVID-19 se poursuit, mais avec la vaccination massive, une partie de l’Occident reprendra dans les prochains mois une certaine normalité. Que restera-t-il de cet épisode de notre histoire ? Le Devoir vous propose dans les prochains jours une série d’articles sur ce possible monde post-pandémie. En commençant aujourd’hui par une question simple, que nous avons posée à 30 experts : qu’est-ce qui va changer ? Dernier texte de la série.
CULTURE
Rencontrer son public
Simon Philippe Turcot, éditeur à La Peuplade« Nous avons constaté durant la pandémie que le livre, encore une fois, résiste aux grands bouleversements. L’absence de rencontres physiques, comme dans tous les secteurs, a marqué le milieu littéraire. Sans les lancements, salons, rencontres littéraires, le milieu de l’édition demeure fonctionnel, mais bien moins vibrant. Ce qui changera à la fin de la pandémie sera la reprise des activités littéraires devant public ici et à travers le monde, mais je crois que nous choisirons mieux où nous consacrerons notre énergie, avec un mode de vie sans doute un peu moins frénétique qu’avant. »
Caroline Montpetit
Partager l’énergie
Liza Frulla, présidente de Culture Montréal et directrice générale de l’ITHQ
« Ce qui va changer, je crois, c’est la psychologie de la société. Je pense qu’on va apprécier beaucoup plus ce qu’on tenait pour acquis. On a compris que notre liberté, c’est facile de la perdre et que tous ces acquis sont des privilèges. On va se retrouver tout le monde ensemble pour un festival, on va pouvoir se parler et se voir en toute liberté […]. On a demandé aux artistes de se réinventer et ils l’ont fait. Ils nous ont envoyé de très beaux cadeaux sur écran et par les médias sociaux, mais on va apprécier une performance vivante, apprécier l’artiste pour ce qu’il est, de façon traditionnelle, en assistant à un spectacle vivant, avec d’autres spectateurs, et partager cette énergie. »
Caroline Montpetit
Place à la nuit
Mathieu Grondin, MTL 24/24
« Je pense que la pandémie va avoir changé la perception de l’espace de la vie nocturne dans l’écosystème économique de Montréal. J’ose espérer que les décideurs des différents ordres de gouvernement vont réaliser combien la vie nocturne est un important moteur pour le développement de la culture et de l’offre touristique de la ville. Dans deux semaines se tient le premier Sommet de la nuit, avec le service de développement économique de la Ville. Cela se déroule en ligne. On pourra prendre connaissance de ce qui se fait ailleurs et offrir aux Montréalais un cadre plus permissif et plus tolérant. »
Caroline Montpetit
Lumière sur la précarité
Anne Trudel, présidente du Conseil québécois du théâtre
« Plus de considération et d’aide pour les artistes et artisans en arts vivants, qui ont un besoin d’un filet social et de bonnes conditions de travail. » C’est du moins ce qu’attend Anne Trudel, présidente du Conseil québécois du théâtre (CQT), de l’après-COVID-19. La pandémie a, selon elle, mis en lumière la grande précarité des travailleurs du milieu, particulièrement lors des phases de création et de production, qui se retrouvent souvent dans l’ombre. « Tout ne commence pas quand les projecteurs s’allument sur scène. Il y a beaucoup de travail en amont. […] Si on veut que nos artistes continuent de travailler et ne quittent pas le milieu, comme on l’a beaucoup vu pendant la pandémie, c’est là que le financement doit continuer d’être accru. »
Annabelle Caillou
Mon écran et moi
Marta Boni, professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal
Cloués dans leur salon pendant des mois, en raison du couvre-feu, du télétravail et d’autres mesures pour contrer la pandémie de COVID-19, les Québécois ont développé ou consolidé des habitudes de consommation sur les plateformes numériques. Des habitudes qui sont là pour de bon selon Marta Boni, professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM. « On va rester beaucoup sur nos écrans. On a pris goût à cette expérience personnalisée, à cet accès constant à une multitude de contenus vidéo qu’on peut visionner selon nos horaires et nos déplacements. » Netflix, Disney+, Prime Video, Crave ou encore Tou.tv ont la cote et on peut s’attendre à voir émerger de nouvelles plateformes sur le marché. « Les diffuseurs traditionnels vont devoir s’adapter, créer leur propre plateforme. »
Annabelle Caillou
Hors des salles
Frédéric Lagacé, directeur du ROSEQ
L’après-COVID-19, le directeur du Réseau des organisateurs de spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ), Frédéric Lagacé, l’imagine surtout à l’extérieur pour le milieu du spectacle. « Reconquérir les publics, ça va être un défi et ça va surtout se passer hors des salles. Même si aucune éclosion n’a eu lieu lors d’une diffusion à l’intérieur, on sent que c’est là qu’on va rejoindre les gens. » Privés de leurs salles pendant des mois, contraints de limiter leur capacité d’accueil le reste du temps, les diffuseurs ont redoublé d’imagination dans la dernière année, se tournant souvent vers des spectacles en extérieur, dans des cadres pour le moins bucoliques. « Ça va être le modèle idéal pendant un temps, mais on finira par retourner en salle, où la qualité d’un spectacle reste optimale. »
Annabelle Caillou
TOURISME
Destination le Québec
Martin Soucy, président-directeur général de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec
« On n’a jamais autant parlé de tourisme au Québec que dans les 14 derniers mois. Avec la pandémie, les gens se sont rendu compte de l’impact que le tourisme avait dans leur propre patelin. C’était une industrie qui était tenue pour acquise et même parfois sous-estimée. L’été dernier, notre objectif était de faire redécouvrir le Québec aux Québécois. Selon une étude de la Chaire de tourisme Transat, 80 % des Québécois ayant voyagé au Québec l’année dernière veulent découvrir encore plus la province cette année. On sait que cet été va être meilleur que l’été 2020. On a appris et on est une destination qui accueille de façon sécuritaire. Le Québec a tout ce qu’il faut pour redémarrer la machine touristique. »
Lise Denis
Des voyages positifs
Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’École des Sciences de la gestion de l’UQAM
« La pandémie a exacerbé le besoin d’information des consommateurs. En mettant l’accent sur l’accessibilité numérique, des lieux plus secrets ont été répertoriés sur Internet, entraînant l’arrivée de nouveaux touristes. Est-ce qu’amener plusieurs personnes dans un même endroit protégé bénéficie vraiment à l’écosystème ? Cela pose des défis en matière de développement durable. Le tourisme durable n’est pas né avec la pandémie, mais ses ramifications économique et sociale sont de plus en plus prises en compte. Aujourd’hui, on note une recrudescence de l’intérêt des consommateurs pour un impact positif du voyage, qui contribuerait au développement de la communauté d’accueil. L’industrie touristique a le désir de bien faire. C’est maintenant à elle de fournir des solutions. »
Lise Denis
Renouer avec l’hôtel
Francis Prézeau, président-directeur général de Signature Canada
« Je pense que le voyageur a hâte de sortir. Il va être extrêmement content de pouvoir revenir, de goûter à nouveau à ce qu’il avait avant. Le client va aussi être plus sensible à l’industrie et à ses travailleurs. On voit déjà que les gens ne veulent pas seulement retourner au restaurant et à l’hôtel, ils veulent aider les restaurateurs et les hôteliers. Depuis la pandémie, les hôteliers reconnaissent beaucoup plus la valeur d’un client. Il est important d’améliorer l’expérience de la clientèle, pour la rendre unique et rassurante. Le service est plus attentionné et les mesures sanitaires ont imposé des pratiques beaucoup plus rigoureuses en matière d’hygiène. Le voyageur devra cependant s’attendre à payer un peu plus cher, car les hôteliers vont vouloir revenir dans leurs frais. »
Lise Denis
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